Après deux split et une reformation avortée et décevante, l’avenir de Trust semblait se conjuguer au passé. Pourtant, le groupe nous revient en 1996 avec un line-up tout neuf et une campagne de communication des plus musclées. Douze années se sont écoulées depuis le dernier effort studio décent du groupe (« Rock ‘n Roll » en 1984) et au regard de l’entente régnant entre Nono et Bernie nous pouvions craindre le pire.
La formation donne tout de même quelques signes d’espoir. Le groupe est allé chercher David Jacob, l’excellent bassiste de P-Vibes (groupe qui de ce fait en restera au stade de la démo), et Nirox John, ex Bandits. Ce sang neuf se ressent tout au long de cet album qui s’affranchit totalement du passé du groupe pour explorer de nouveaux horizons.
Le ton général est à l’apaisement musical, le groupe évoluant désormais plus dans un univers oscillant entre Rock et Blues, que dans le Hard Rock de ses débuts. La production est époustouflante de puissance et de nervosité avec un son clair, fort et dynamique. La voix de Bernie est mixée en avant et son phrasé éclabousse l’album de sa gouaille et de sa passion. Nono, est plus discret. Si le son de guitare est tranchant et efficace, ses interventions sont bien plus sobres que par le passé. Ce sera le cas dans tous les albums à venir de Trust jusqu’à « 13 à Table ». Il n’y a guère que lors des deux intermèdes musicaux, « Merci West » et « La Tounga », qu’il rappelle à quel point il est un Monsieur de la guitare. Les petits nouveaux s’en tirent bien et assument honnêtement leur part du travail. Il est un peu dommage qu’ils n’aient pas été plus et mieux utilisés, notamment David Jacob dont le groove et la technique préfiguraient l’orientation que Trust allait prendre 10 ans plus tard.
Avec une dizaine d’années de recul, la quasi unanimité des mauvaises critiques de la presse de l’époque semble bien injustifiée. Certes, Trust n’a pas accouché d’un nouveau « Répression » (L’orientation prise par le groupe dès son quatrième album, ne laissait d’ailleurs aucun doute sur le sujet), mais a fait le choix de moderniser son propos en proposant des titres contemporains et variés avec toujours des paroles acides et acerbes. Dès « On Lèche, On Lâche, On Lynche », le ton est donné. Cet excellent titre efficace et entrainant, est rehaussé par des paroles mettant en exergue les travers de la nature humaine. L’heure est moins à la rage et à la contestation, mais plus aux constats amers et à la désillusion (« Ailleurs », « Europe & Haine », « Le Temps Efface Tout »). Les talents de compositeurs de Nono et Bernie s’expriment de la plus belle manière au travers des plus intimistes « Elle Disait » et « Tous Ces Visages ».
Si ce « Europe & Haine » ne propose pas des tubes de la trempe d’un « Antisocial », il n’en contient pas moins d’excellents titres qui deviendront des classiques live du groupe, à l’image de « Reac Prendre A Vivre », « On Lèche, On Lâche, On Lynche » ou « Europe & Haine ». L’accueil du public, bien alimenté par une promotion des plus efficaces, sera très bon puisque l’album finira disque d’Or. Même sans la fougue et la hargne de ses débuts le groupe réussi encore à proposer un disque efficace dont les seuls défauts semblent être plus des partis pris que des carences. La rareté des soli, et le coté moins agressif des vocaux semblent être de ceux la.
On pourra toutefois regretter la présence de titres « ultimes » et imparables, d’hymnes que Trust savait si bien concocter dans les années 80 et également la sobriété assez surprenante de Nono.
« Europe & Haine » présente un excellent compromis entre les espoirs fous de voir le groupe nous pondre un nouveau « Répression » et la crainte réelle de le voir se fourvoyer dans un nouveau désastre à la « En Attendant ». La légende est encore sauve.