La route aura été longue et tumultueuse pour W.A.S.P. de 1984 à 1992, du premier album Heavy aux frasques scéniques douteuses et à la vie en coulisse rythmée par une instabilité chronique, jusqu’à ce projet immense, absolu, légendaire. Alors que The "Headless Children" avait amorcé en 1989 un virage radical dans la façon dont Blackie Lawless concevait sa musique, il s’isole pendant 3 ans et prend le temps de faire aboutir cette nouvelle démarche artistique, composant seul ce qui devait devenir son chef-d’œuvre. Car oui, bien que paru sous le nom de W.A.S.P. et joué par la formation au complet, "The Crimson Idol" est le projet d’un seul homme, d’une seule voix ahurissante de rage et d’émotion.
C’est sous les traits d’un concept album que Blackie choisira de raconter une histoire - son histoire - celle de Jonathan Steele, jeune homme délaissé par ses parents et rêvant de gloire pour voir celle-ci le consumer corps et âme jusqu’à l’issue la plus fatale. Un thème de prédilection pour des générations de rock stars que rien n’avait préparé à ce qu’elles allaient vivre, mais thème pour lequel notre auteur saura trouver les mots justes et les nuances nécessaires.
L’ouverture est en elle-même un condensé de tout ce qui s’abattra sur vous durant une heure rendue intemporelle : arpèges acoustiques inspirés, voix gorgée de sensibilité, foudre de la batterie, matraquage de riffs imparables, incursions symphoniques, thèmes splendides, puis apaisement. "Invisible Boy" et "Arena Of Pleasure" mettent définitivement en orbite une œuvre à la puissance sans limite mais absolument maîtrisée. Ce sera encore le cas pour "Doctor Rockter" ou "I Am One", évoluant dans le même format, mais le summum sera sans aucun doute atteint avec "Chainsaw Charlie (Murders In The New Morgue)", dont l'auditeur souhaiterait qu’il ne s’arrête jamais malgré la rude épreuve à laquelle il soumet nos tympans !
Et que dire des ballades ? "The Gipsy Meets The Boy" inaugure une série qui pourrait difficilement vous laisser de marbre alors que "The Idol" est à classer parmi les plus belles du genre. Tandis qu’elle voit la débauche de notes s’apaiser, l’intensité monte encore d’un cran le temps de refrains bouleversants, appuyés par des soli beaux à pleurer.
"The Great Misconceptions Of Me" vient clôturer un disque qui n’en est déjà plus un, qui s’est depuis longtemps mué en acte de création sublime, intouchable, inégalable, passé dans une autre dimension. Ce final offre à lui seul le final d’une œuvre immense face à la grandeur, infinie face à l’absolu : légendaire.