Pour faire un album de rock progressif, réunissez les ingrédients suivants…
Tout d'abord, trouvez un concept qui va vous permettre d'enchaîner des titres avec une unité de ton et de discours.
Entourez-vous ensuite de tout plein de musiciens, en ouvrant les portes de la musique rock aux instruments classiques ou folkloriques traditionnels. Puis, écrivez une musique pleine de thèmes qui se répètent tout au long de l'album, mais qui changent en permanence au sein du même titre (vous suivez ? sinon relisez bien la phrase précédente).
Les styles abordés devront bien entendu représenter une large panoplie des influences progressives : du prog 70's, du néo (un peu mais pas trop, l'étiquette néo qui colle à la peau, ce n'est pas crédible pour certains), du métal (un peu mais pas trop, pour ne pas faire fuir les amateurs des deux styles pré-cités), quelques soli de guitare ou de synthès rappelant les grands anciens, et puis la touche "jazzy", indispensable pour prétendre à l'estime générale.
Enfin, profitez-en pour tenter de vous rapprocher le plus possible des limites physiques du CD Audio. Les fans de progressif, jamais rassasiés adorent les morceaux longs et les albums remplis. Et tant qu'à faire, pour les contenter jusqu'à plus soif, ajoutez-y un CD bonus avec quelques démos, inédits ou versions plus ou moins complètes.
Réunissez ensuite le tout sous un nom de groupe (c'est plus vendeur que le nom du géniteur unique) et lancez-vous sur le marché des réalisations du même type, déjà bien encombré, et souvent avec réussite, par les Ayreon, Caamora et autres Phideaux (qui lui a conservé son prénom !).
Sunchild, émanation du musicien ukrainien Antony Kalugin (également aux manettes dans Hoggwash et Karfagen) nous propose avec son deuxième album, l'ensemble des ces ingrédients, pour nous concocter une recette aux accents symphonico-progressifs. Le désert musical des années 80-90 étant bien loin derrière nous, il est désormais nécessaire d'ajouter à toute cette liste d'ingrédients une inspiration musicale de haut niveau, un talent certain dans les arrangements et surtout une constance de chaque instant. Et malheureusement, cette "Ligne invisible" pêche sur ces trois derniers points.
Après une introduction acoustique et une Invisible line (part 1) plutôt intéressante malgré des parties vocales peu attirantes, Sunchild va ensuite alterner le bon et le franchement passable : Raindrops est tout simplement quelconque, tandis que l'instrumental Amalgama (dont on se demande bien pourquoi la "full-version" proposée dans le cd bonus n'est pas présente sur le concept "officiel") et sa lente montée en puissance s'avère passionnant… Hélas immédiatement suivi par A Moment in Time, sans doute le titre le plus moche de l'album.
Les deux plages épiques n'échappent pas au même constat : Time and the Tide déroule son ennui pendant 5 minutes, avant que la trompette ne vienne donner une couleur intéressante, jusqu'à une nouvelle intervention vocale une nouvelle fois ratée. Quant à The Line in the Sand, son introduction laisse espérer enfin un titre abouti. Mais au bout de 3 minutes, l'intervention chantée d'une mièvrerie totale fait retomber le soufflé d'un seul coup, avant que la machine ne redémarre sur une basse chaloupée, offrant enfin un peu d'espace aux instrumentistes pour s'exprimer librement. Les deux dernières plages, "part 2" des deux premières viendront toutefois clôturer l'album sur une bonne note, reprenant les thèmes agréables à l'oreille présentés en ouverture.
Avec ce deuxième album, Sunchild nous propose une œuvre qui se veut dense et fouillée, mais ne réussit que partiellement à intéresser l'auditeur exigeant, en raison de parties vocales souvent peu inspirées, mais également d'arrangements pas toujours judicieux. Dommage, car le matériel musical et les moyens instrumentaux sont bien présents. Pour la prochaine fois peut-être ?
Du côté du CD bonus, on trouvera une version allongée de la meilleure plage de l'album (Amalgama), un titre inédit, plus quelques démo n'ayant pas trouvé place sur l'album, dont The Last Hope présentant un thème rythmique et harmonique qui pourra éveiller l'attention des amateurs de Mike Oldfield.