Moins d'un an après leur opus précédent (seulement trois ans après le premier), Black Sabbath présente un cinquième et nouvel album, confirmant ainsi leur place de leader dans le monde naissant du Heavy metal. La rapidité de cette carrière s'apprécie d'autant plus qu'en très peu de temps, l'évolution du groupe semble naturelle et logique. Ainsi, après un "Volume 4" plus recherché en termes de composition et d'éléments sonores, "Sabbath, Bloody Sabbath" continue dans cette voix avec une musique inspirée par le rock progressif dans sa volonté de combiner les genres. D'ailleurs Rick Wakeman en personne viendra prêter ses doigts sur deux titres.
Malgré les impressionnants délais, cet album ne coule pas de source. En effet, les musiciens reconnaissent avoir manqué d'idées lors de sa composition. Cela se ressent un peu sur la musique dans la mesure ou les titres sont plus alambiqués, construits minutieusement et moins axés autour d'un gimmick ou d'une idée comme cela avait pu être le cas auparavant. Certes la guitare de Iommi envoie toujours des riffs marquants, comme celui du titre éponyme, mais apparaissent également des changements d'atmosphères et des expérimentations sonores qui jouent plus sur la surprise et le plaisir instantané que sur la cohérence et la pertinence des morceaux. Citons par exemple le mélancolique 'Fluff' qui, s'il remplit à merveille son rôle psychédélique, sent quand même un peu le remplissage.
Le groupe joue d'ailleurs principalement sur le son et les arrangements. Tout est bien imbriqué, chacun est à sa place et il n'y a aucun temps mort. Beaucoup d'éléments apportent plus que du Heavy metal classique en remplissant les morceaux de surprises délectables et géniales. Vous trouverez ainsi une intervention au piano sur 'Sabbra Cadabra', un break R'n'B sur 'Sabbath, Bloody Sabbath', les claviers 'tsoin-tsoin-de-l'espace' de Wakeman sur 'Who Are You ?' ou encore une flûte sur 'Looking For Today'... Le son, parfaitement dosé, garde un coté sombre et démentiel (aidé par la voix hallucinante de Osbourne), mais englobe surtout bien un ensemble hétéroclite permettant ainsi à l'album de conserver une certaine cohérence.
Le sempiternel reproche fait a Black Sabbath sur cette période concerne évidemment la production. Elle parait toujours autant désuète et semble manquer de puissance. Pourtant est-ce vraiment un mal ? L'auditeur est au final emporté dans une danse lugubre mais sautillante, paradoxale et dérangeante comme la visite d'un cirque abandonné où, dans l'ombre, des cadavres de clowns vous sourient encore...