Après le succès de "Sabbath Bloody Sabbath" qui confirmait le groupe comme une valeur sûre du Heavy Metal, Black Sabbath prit un peu de recul pour considérer la direction musicale de la suite de leur carrière. De cette réflexion est ressorti que leurs dernières productions, trop expérimentales, s'éloignaient du son brut des débuts. Alors qu'il avait fallu seulement trois jours pour mettre en boite le premier album, c'est en un an que sera produit celui-ci, au grand agacement d'Ozzy Osbourne qui commence à renâcler face au contrôle que Tony Iommi a sur le groupe. C'est donc après une attente inhabituelle que les fans de Black Sabbath découvriront le nouvel opus: "Sabotage"
Il faut aussi dire que les principaux concurrents, Led Zeppelin et Deep Purple, s'éloignent à l'époque l'un et l'autre de leur racines hard, et les naissants Judas Priest n'ont pas encore pris l'ampleur qui leur sera connue ensuite. Ainsi, Black Sabbath est, en 1975, le refuge des fans de Heavy. Cette situation n'échappe sans doute pas au groupe qui durcit son jeu et redevient un groupe lourd et hard avant tout. Les morceaux affichent donc un retour en force des riffs puissants qui ont fait les belles heures de "Paranoid" et "Master Of Reality".
L'album s'ouvre ainsi avec deux déferlantes électrique que sont "Hole In The Sky" et "Symptom Of The Universe". Le groupe se révèle très à l'aise et montre qu'il est toujours plein d'inspiration et d'idées. Les riffs de morceaux comme "Thrill Of It All" ou "Supertzar" (le riff préféré de Franck Zappa, rien que ça) sont géniaux et accrocheurs. La guitare de Iommi s'en donne à cœur joie, que ce soit pour animer des hymnes de Heavy, ou pour soloter avec ce feeling si particulier ("Am I Going Insane", "Thrill Of It All"). Ozzy est également très présent, donnant une dimension épique et grandiloquente aux morceaux, mais prouvant aussi qu'il peut être plus léger et mélodique, avec un "Am I Going Insane" qui renvoie directement aux Beatles.
Des deux derniers albums, Black Sabbath conserve tout de même quelques expérimentations, ainsi qu'un très bon goût pour les arrangements soignés. Notons par exemple l'utilisation de chœurs troublants sur "Supertzar", qui s'effacent efficacement pour laisser le ferrailleur Iommi s'exprimer. "The Writ", le morceau qui conclue l'album, illustre quant à lui bien ce coté très soigné des compositions avec des changements d'ambiance qui ne choquent jamais et une complémentarité de la guitare et de la basse qui donne l'impression d'un liant très homogène et très souple. Un vrai régal pour les oreilles.
Cet album, très travaillé, peut donc être vu comme une synthèse de ce qu'a fait le groupe jusqu'ici. Si cela laisse souvent "Sabotage" dans l'ombre de ses aînés, avec une personnalité moins marquée, c'est également un gage de qualité. Black Sabbath continue ainsi son chemin avec un talent d'écriture jamais démenti.