Qu'est-ce qu'un bon groupe ? Je vous pose la question telle que je me la suis posée en abordant cette chronique. Plusieurs réponses sont possibles et acceptables, et ce débat n'aboutira sans doute jamais sur un consensus. Pourtant, il n'est pas impossible d'imaginer qu'un groupe de qualité est celui qui parvient à réunir un son et une exécution originaux, reconnaissables, caractéristiques. Et avec ce son ils réalisent des compositions travaillées et efficaces. Bref, en faisant un raccourci extrême, il est possible de dire qu'un bon groupe est celui qui sait jouer sur le fond et sur la forme.
Durant ces dernières années, "bon groupe" n'est sans doute pas le terme qui revenait le plus souvent concernant Metallica. Malgré des concerts toujours aussi explosifs et professionnels, les dernières productions du groupe, en plus de s'espacer, ont perdu en qualité. Les explications (qui a dit 'excuses' ?) existent peut-être, comme le documentaire "Some Kind of Monster" le suggère, mais dans un monde métallique ou la concurrence est rude, la question de savoir si Metallica est toujours un "bon groupe" peut se poser dans quelques têtes dubitatives.
Pour ce nouvel album, le groupe a fait monter la sauce. Il paraitrait que Metallica revient à ses racines, avec des compositions Thrash et agressives, sans concessions. Le vieux logo fait son retour, et même la structure des chansons renvoie directement aux glorieux ainés que sont "Ride the Lightning", "Master of Puppets", et "Justice for All". Le fan assidu reconnaitra ainsi le premier titre direct et accrocheur, le quatrième sous forme de power ballade, ainsi qu'une instrumentale à la fin de l'album.
Mais parlons un peu contenu. Au niveau du son, il y a un indéniable retour en arrière avec une volonté de sonner plus brut et plus corrosif que les opus précédents. Malgré certaines saturations qui auraient sans doute pu être évitées avec une compression plus adaptée, c'est une petite réussite. Avec des rythmes plus rapides et nerveux, Metallica ressort les crocs et balance des parties de guitares puissantes et éloquentes, avec en plus une certaine énergie ("Cyanide", "All Nightmare Long", et surtout l'excellent "That Was Just Your Life"). Les riffs sont alambiqués et techniques, rappelant ceux de "Justice...".
Cependant, ce retour au son des origines, si réussit soit-il, devait s'inscrire dans le cadre de bonnes compositions. Et là, c'est plutôt raté. Si les bons riffs sont présents, ils ont également du mal à donner naissance à quelque chose de cohérent. Je pense par exemple à "The End of The Line" où l'auditeur patauge plus de quarante secondes avant d'entendre l'idée principale. Le résultat est au mieux de bonnes compositions qui sont plombées par des longueurs inutiles ("Suicide & Redemption", pourtant pleine d'idées), et au pire des morceaux entiers complètement tirés par les cheveux comme "My Apocalypse", pendant laquelle l'auditeur cherche désespérément une mélodie ou un refrain, et ne pourra se consoler qu'avec un solo potable. Et ça dure, les morceaux étant remplis à craquer d'idées, bonnes et mauvaises, sans distinction et sans organisation.
Outre ces constatations, un problème majeur concerne les lignes de chant. En effet, que le chant de James soit réorienté vers la période thrash, c'est bien; mais encore faut-il avoir quelque chose à chanter. Or ici, les lignes sont absentes dans presque tous les morceaux. Je vais vous lister les moments fort 'chantés' de l'album : le refrain de "Cyanide", "That Was Just Your Life" (malgré un pré-refrain un peu pénible), et, en étant gentil, "The Unforgiven III". Pour le reste, c'est du grand vide. Aucune mélodie ne se dégage de ce fatras de hurlements.
Même remarque pour les soli (vous vous dites que ça commence à faire beaucoup ? Moi aussi). Il ne faut pas réécouter beaucoup de morceaux de leur période 80's pour comprendre que nous avons sur ce point une parodie médiocre de cette époque. Sans inspiration, les interventions de Hammett durent péniblement et se noient régulièrement dans la rapidité ou les effets (inspiration off/pédale wawa on). Sauvons à la louche celui de "Suicide & Redemption" , "The Judas Kiss", "That Was Just Your Life" et cinq secondes de "Cyanide". Ce qui nous donne deux tiers de soli ratés sur l'ensemble de l'album, un ratio un peu gros pour un groupe et un guitariste pareil.
Cette chronique pourra vous paraitre un peu dure, mais il faut dire ce qu'il en est. Le retour à la période glorieuse revendiqué par Metallica prend tellement de place et d'importance sur la forme que le groupe a tout simplement oublié le fond: écrire de bonnes chansons. Ici, il y en a trois, et c'est évidemment insuffisant. Metallica devrait peut-être simplement tenter d'être un "bon groupe" avant de redevenir un leader.