Si Jugulator avait permis à Judas Priest de prouver à la planète métal qu’il est toujours en vie, cet album n’a cependant pas fait l’unanimité. L’aspect ultra heavy qui le caractérisait n’a pas plus aux vieux fans du groupe et n’a pas non plus réussi à attirer vers lui un nouveau public. Ce « Demolition » qui sort courant 2001 a donc des allures de quitte ou double. Soit le groupe parvient à renouer avec le succès et surtout avec ses racines musicales, soit il prend le risque de disparaitre complètement.
Ce nouvel album s’avère être le plus varié et aussi le plus long de la longue histoire du groupe. Sur les 13 titres que propose cet opus, le groupe revient en grande partie à ses amours premières délaissant ainsi le power métal de « Jugulator ». Mais il innove également, amenant un peu d’électronique ici et là, des passages très martiaux et même un peu de rap dans certains passages vocaux.
Curieusement ce sont sur les titres les plus classiques que Priest est à la peine. En effet, à l’exception du puissant et mélodique « Machine Man » et du tubesque « Jekyll and Hide », morceau bien heavy et le plus court du disque, peu de titres ressortent du lot… « One on One » se veut longue et peu inspirée, « Close to you » est une ballade fort moyenne, « Bloodsuckers » sonne comme une mauvaise face B de « Jugulator » et « Devil Digger » est un banal titre de heavy aussi vite écouté qu’oublié.
A l’opposé, les titres les plus innovants sont parmi les plus intéressants. Ainsi, des compositions comme « Subterfuge » ou « Cyberface » ont beaucoup gagné à intégrer des effets indus et électro. Sur cette dernière, Ripper chante de manière inquiétante et robotique, créant un climat assez sombre sur une mélodie de guitare imparable. Dans ce style assez martial, nous trouvons aussi « Feed on me », dans lequel la batterie de Travis fait des ravages accompagnant parfaitement le chant et dans un style plus fusion, Judas Priest nous propose le titre final « Metal Messiah » dans lequel Ripper se frotte au rap sur les couplets avec pas mal d’effets électro, avant un excellent refrain typiquement heavy métal.
La formation n’a évidemment pas oublié que derrière les T-shirts aux crânes cloutés et à l’hémoglobine coulant à flots se cache un cœur tendre. Elle nous gratifie donc de deux belles power ballade : « In Between » mélodique sur les couplets et nerveuse sur les refrains ainsi que « Lost and found » qui, sur fond de guitare acoustique, présente un Ripper très à l’aise, très éloigné de son image habituelle de hurleur.
Au delà de l’aspect mélodique retrouvé et d’un son largement plus chaleureux, c’est donc au niveau des compositions que le bât blesse. Tipton et Downing, qui ont composé le disque quasiment seuls, ont eu les yeux plus gros que le ventre et plusieurs titres ont à peine le niveau de faces B, plombant largement l’ambiance. Disque inégal avec de bonnes idées et de bons titres mais affaibli par une volonté d’en faire trop, Demolition manque un peu d’unité et alterne trop les hauts et les bas. Il mérite quand même que l’on s’y attarde un peu, rien que pour le travail de Ripper Owens qui en raison de l’échec cuisant du disque sera vite remercié après la tournée suivant la sortie.