Braver Since Then propose avec « Adorned Weakness » son sixième album studio, alors que le groupe m’était jusqu’alors resté complètement inconnu ; les informations disponibles sur la toile ne sont pas non plus légion, même si nous apprenons que John Lutzow, son fondateur, était aussi le maître d’œuvre du groupe de métal Leviathan formé au début des années 90. Cette relative confidentialité doit-elle être par tous les moyens possibles – et donc par cette chronique – conjurée, ou bien pareille discrétion est-elle au final justifiée et justifiable ?
Au vu des influences revendiquées, l’étonnement gagne peu à peu : Dream Theater, Rush, Queensrÿche, mais aussi Jeff Buckley, Ben Harper et les Beatles. Métal progressif, rock progressif et pop réunis sur un seul et même album ? N’en jetez plus ! L’étape suivante sera celle de la première écoute… et de l’effondrement des illusions. Déception toute relative cependant, contrôlée par un groupe qui, s’il ne produit pas l’album du siècle, ni même de l'année, réalise un sympathique effort musical avec cet « Adorned Weakness ».
Le premier élément frappant est à n’en pas douter la voix, légèrement éraillée, encombrée même, ni très agréable, ni pour autant irritante. Semblant constamment à court de souffle, Derek Blake impose une urgence, une tension certaine, redoublée dans le refrain du premier titre par un jeu d’orgue sur fond de guitare saturée qui renvoie à un métal progressif sombre mais tempéré, toujours à la limite de l’implosion. Les lignes vocales construisent les mélodies, avec de très belles réussites dans "Someone Else's Art" ou encore "Destination Over Destined To Fail", morceau clairement pop qui se trouve agrémenté d’un court intermède à la flûte, suivi après le retour au chant d’un solo de guitare en son clair, plus atmosphérique que réellement mélodique.
De manière générale, la structure des compositions reste traditionnelle, rompue parfois par une introduction souvent acoustique, puis en cours de titre, par un pont instrumental donnant l’occasion au guitariste de prouver une variété de jeu tout à fait appréciable. Mais le chant reste néanmoins prépondérant, et ce qui apparaissait au début comme une qualité se transforme progressivement en faiblesse ; il faut dire ce qui est, le timbre du chanteur se révèle toujours plus stressant. Musicalement, le groupe évolue en effet entre un métal prog principalement basé sur des mid-tempi et quelques riffs pas toujours convaincants car mal mis en valeur par la production, un rock prog singulier laissant la part belle au piano et claviers – mais point d’arrangements néo-prog, l’atmosphère globale est plutôt intimiste – et une pop mélancolique gentiment symphonique parfois.
De belles réussites sont toutefois identifiables : "Left Behind Tears", que nous avons déjà rapidement évoqué, puis "Strength And Limitations", avec un piano sautillant, syncopé et presque jazzy, qui construit un morceau bancal mais attachant, clairement addictif lorsque le guitariste s’élance dans un solo d’une grande richesse mélodique ; "Blood And Imagination" et "A Smile And A Far Away Place" se détachent également du lot. D’autres titres sont beaucoup plus dispensables, d’autant plus qu’ils entament gravement l’équilibre du disque : "Puppety Oddballs Eat An Orange", "Estrogen Poisoning", longues introductions parlées ou dialoguées qui, au vu de leur étirement, semblent malheureusement considérées comme des morceaux à part entière.
« Adorned Weakness » est donc un disque dont il est dur de dire vraiment du mal, mais qui n'est pas non plus une réussite ; inégal serait sans doute le mot juste. Inégal et au final assez commun, malgré un style identifiable ; le souci principal étant que ces éléments d’identifications se repèrent plus du côté des défauts que des qualités propres au groupe. Leur prochaine production saura-t-elle se montrer plus convaincante ?