Nous avions quitté Braver Since Then suite à leur album « Adorned Weakness » sur une impression plus que mitigée. Avec « Short On Patience, Burn In Haste », les trois américains sont de retour, accompagnés d’une chanteuse, Roxanne Ewell. Ont-ils continué d’appliquer la même recette que sur leur précédent album, à savoir un mélange de métal prog, de rock prog et de pop, qui au final ne parvenait pas à convaincre vraiment, malgré une réelle réussite mélodique sur certains morceaux ? Ou bien ont-ils fait le choix de privilégier un style plus qu’un autre, ce qui assurément contribuerait à renforcer l’unité de compositions sans réels points forts ?
Dès le premier titre, une inquiétude est déjà levée : la production semble s’être améliorée et être désormais capable de mettre en valeur une assise rythmique plus franchement métal, avec une saturation des guitares moins timide que dans « Adorned Weakness ». Derek Blake a également réussi à libérer sa voix, rappelant parfois dans le phrasé Anthony Kiedis des Red Hot Chili Peppers ; une voix doublée par celle de Roxanne Ewell, qui diversifiant les timbres, brise la monotonie que nous avions pointée dans le précédent album. Aussi ce premier morceau est-il une bonne surprise, et augure bien de la suite. Ce ne sont pas les deux morceaux suivants qui viendront rompre le charme : le refrain de "Seek Not To Alter", chanté à deux voix, porte une chanson empruntant autant au pop-rock qu’à un métal plus agressif ouvert à deux soli véloces et mélodiques. Plus ambitieux dans sa construction, "Words Waging War" continue d’explorer le versant métal du groupe, avec l’intervention fort bienvenue d’un piano sautillant, égrenant une mélodie joyeusement mélancolique. Le pont instrumental de ce morceau, sans être d’une virtuosité renversante, nous rappelle enfin que Braver Since Then revendique Dream Theater parmi ses influences et développe, sur plusieurs tonalités, riffs et phrasés mélodico-rythmiques en cascade.
Arrivé à ce point de la chronique, il pourrait être tentant d’écrire que le reste de l’album est à l’avenant ; mais ce n’est pas, loin s’en faut, le cas. Passé un court intermède swinguant très dispensable, nous abordons le versant pop acoustique du groupe, intimiste et apaisé, mais là encore plus libéré, plus assumé que dans « Adorned Weakness ». "Eight Times In As Many Days" est un instrumental aux ambiances (sagement) variées, basé sur un touchant arpège assuré par la guitare acoustique. Le retour du chant dans "White Girl Needs A Drink" ouvre un morceau faussement pop-rock, au refrain simpliste et naïf, qu’un solo de guitare laborieux ne parvient pas à sauver. Ce temps mort de plus de cinq minutes parvient à casser la belle dynamique jusqu’alors assurée, malgré un retour à des compositions plus enlevées, marquées de quelques (sages) audaces – un court solo de basse dans "Ten To The Twelfth" ou le final de "Who I'm Supposed To Be" dans lequel John Lutzow propose sans doute son solo le plus abouti.
Ceci est indéniable : avec « Short On Patience, Burn In Haste », Braver Since Then propose un album dans lequel les amateurs de métal progressif pourront sans doute trouver de quoi se mettre sous la dent. Un morceau comme "Ambitious Stones Overturned" est là pour le rappeler. Mais la persistance de défauts, en premier lieu une naïveté parfois embarrassante, et un manque certain de diversité - et ce malgré de réussis emprunts à diverses traditions musicales -, témoignent d'un groupe qui, s'il semble avoir trouvé son style, continue parfois à le chercher. Si vous n'êtes par trop exigeant, gageons que l’émotion qui se dégage de certains morceaux, et la naïveté rafraîchissante de l’ensemble, sauront vous toucher.