Il est des sons si beaux, qu’ils créent le silence. Il est des sons si majestueux, que le monde se fige un instant pour les écouter. Il est des sons si profonds qu’ils touchent aux sens et à l’essence, au matériel et au néant, au corps et à l’âme, liant forme et fond dans un tout unique.
Il est des musiques que vous faites, d’autres qui vous font, et des musiques qui sont. Il est des musiques qui n’appartiennent plus à leurs auteurs, qui n’appartiendront jamais à leurs auditeurs. Il est des musiques qui s’appartiennent, qui vivent d’elles-mêmes et par elles-mêmes.
La musique de Mono n’était déjà plus la sienne à l’instant même où ces 4 Japonais décidèrent de la transposer sur cet album. Chaque son qui avait été soigneusement sélectionné, enchâssé avec le précédent, mêlé au suivant, chaque harmonie, chaque mélodie, chaque note : tout était déjà voué à une mutation en un organisme désincarné et indivisible, fluide et autonome, allant et venant, vivant.
Ainsi, rarement un nom d’album aura été choisi avec une aussi grande justesse : « Hymn To The Immortal Wind ». Mais après tout, ceci ne fait que ressortir un peu plus la caractéristique première de cette œuvre : la conscience avec laquelle elle fut composée. Car on ne parvient pas à un tel degré de perfection guidé par le hasard, il faut pour cela s’abandonner absolument à l’effort que l’on s’apprête à consentir.
« Hymn », le terme en lui-même est annonciateur de grandeur, de noblesse, de force. Chaque composition répond ici à ces trois qualificatifs, donnant une dimension multiple à chaque terme.
La force d’abord, synonyme d’une puissance mélodique brutale sur les crescendos et finales déchaînées, électriques et symphoniques, de « Ashes In The Snow », « Burial At Sea », « Pure As Snow (Trails Of The Winter Storm) », « The Battle To Heaven » et « Everlasting Light ». Mais la force naît tout autant de la douce et pénétrante intensité des développements de ces mêmes morceaux, de leurs guitares vibrantes, leurs arpèges retenus et amples, leur narration cinématographique, leurs cordes sensibles, leur piano épuré. Ainsi, « Silent Flight, Sleeping Dawn » ou « Follow The Map » se voit insuffler au format réduit une énergie qui ne l’est jamais.
La grandeur et la noblesse ensuite, car l’une appelle l’autre. Tout au long de cette incantation musicale, ces deux amies s’enlacent, ces deux amantes s’embrassent, ces deux alchimistes subliment tour à tour la douceur et la tendresse en amour, la fureur et la fougue en majestuosité. Chaque développement prend le temps de l’achèvement, de l’accomplissement, atteignant des zéniths qu’on aurait à peine pu rêver, tant ils se situent aux frontières de nos perceptions, à l’image du final indescriptible de beauté d’ « Everlasting Light ».
« To The Immortal Wind », car il fallait une adresse, un symbole, universel et impalpable pour qu’on ne puisse préjuger de ses limites. Qui mieux que le vent pouvait endosser ce rôle : invisible, omniprésent, vital et vivant. C’est tant à son esprit qu’à son rythme que l’hommage est rendu, à la tranquillité de sa brise comme au déchaînement de ses souffles. Sa simplicité et ses caprices sont illustrés, quoique insaisissable il est ici cerné et peint sous tous ses aspects. L’eau aurait été trop concrète, la terre trop immobile, le feu trop craint : le vent est parfait.
Il est des sons si beaux, il est des musiques si absolues, et il est si peu de mots. Il est plus que temps donc de se taire, s’effacer pour laisser s’exprimer quatre Japonais et un élément : Mono et le vent.