Il existe des disques sortis de nulle part qui vous procurent de grandes sensations auditives et vous confortent également dans cette perpétuelle quête qui veut que, parmi la pléthore des productions musicales, se cachent assurément de petits chef-d'œuvres musicaux ne demandant qu'à être découverts. Tel est le cas de ce "Sleepless" de Witchfield.
Ce groupe ne vous dit certainement pas grand chose, voire rien du tout et c'est bien normal. Car Witchfield n'est pas vraiment un groupe, mais le side-project d'éminents membres de la scène doom underground italienne. Witchfield est né de l'association des frères Cardellino et d'Andrea Vianelli, aka Thomas "Hand" Chaste, ou quand des membres de L'Impero Delle Ombre rencontrent un ex-Death-SS et ex-Paul Chain Violet Theatre.
Le résultat de cette rencontre a donné naissance à un disque de heavy/doom traditionnel à ranger soigneusement dans un écrin après chaque écoute attentive. Naviguant dans les eaux musicales confluentes de groupes tels que Pagan Altar ou Pentagram, et dans la continuité fluctuante d'un Paul Chain Violet Theatre, "Sleepless" est tout simplement un disque d'une grande beauté et d'une grande maturité créative.
Musique à tendance religieusement sépulcrale, le doom de Witchfield est assurément riche en couleurs. Là où le groupe tire indubitablement son épingle du jeu, c’est qu'il s'y entend de belle manière pour nous balader où l'on s'y attend le moins. Les frères Cardellino sont fortement attirés par la bande originale de film, donc forcément "Sleepless" est un peu dans le fond un voyage doomesque rempli d’une pluralité de sonorités et surtout d’ambiances filmiques. "Sleepless" nous offre une sorte de visite imaginaire au cœur de Cinecittà.
A l'exorcisant titre instrumental d'ouverture et de conclusion "The Burial Count of Orgaz" ou le religieusement tout en orgue "Totentanz", on plonge en plein gallio avec l’horrifique "The Mask Of The Demon". On se délecte de "High Tide Symphony" avec son final digne d'un western de Sergio Leone. On voyage de façon aérienne au-dessus d’une quelconque sierra au son d’une flûte et d'un saxophone sur "Void In The Life", instruments qui se retrouvent également sur l'épique "Inquisitor". On fait aussi un petit détour instantané vers les terres celtiques avec "Curse My Fate".
Mais au-delà de ces ornementations musicales, Witchfield c'est avant tout une réunion de musiciens maîtrisant à la perfection les bases du doom avec des riffs particulièrement inspirés à l'instar d'"Edina's Escape From Cancer City" ou de "High Tide Symphony". Et même lorsqu'une composition comme "Imagination Vortex" va uniquement à l'essentiel, les musiciens y donnent toute la mesure de leur talent. Witchfield y va même de sa reprise surréaliste avec le "Black Widow" d'Alice Cooper.
Vu la distribution, malheureusement confidentielle pour sites et boutiques spécialisés, acquérir ce "Sleepless", c'est comme partir en quête d'un précieux et rare objet. Sans aller jusqu'à évoquer un quelconque Saint Graal, voilà en tout cas une pépite musicale qui mérite d'être déterrée. Un disque que tout amateur de doom traditionnel se devrait de posséder.