Il aura fallu 4 ans à Warren Haynes et Matt Abts pour surmonter la perte tragique d’Allen Woody et donner une suite studio à la discographie de Gov’t Mule. Après la période "Deep End" avec ses multiples concerts et témoignages vidéos et discographiques, les deux compères ont décidé de transformer le trio d’origine en quatuor. Andy Hess, qui a eu l’occasion de passer un peu de temps avec les Black Crowes, devient le bassiste du groupe mais il est accompagné de Danny Louis aux claviers. Cette évolution est un moyen de marquer le début d’une nouvelle ère et de prouver qu’Allen Woody sera à jamais irremplaçable. Elle ouvre également de nouveaux horizons à la musique du combo et lui permet d’évoluer artistiquement sans pour autant renier une identité qu’il a eu tant de mal à se forger.
"Déjà Voodoo" débute d’ailleurs sur un 'Bad Man Walking' illustrant parfaitement cette ouverture avec sa ligne rythmique aux accents Funk. La basse d’Andy Hess reste importante sans remplacer le mur qu’Allen Woody avait l’habitude de créer. Quant aux claviers de Danny Louis, qui a également participé à l’écriture de ce titre, ils apportent indéniablement la respiration dont la musique de Gov’t Mule avait besoin après le sombre "Life Before Insanity". N’allez pas en déduire que Haynes et sa bande œuvre maintenant dans un rock’n’roll festif. Cependant, des titres tels que 'Bad Man Walking', l’irrésistible et entraînant 'Slackjaw Jezebel' ou 'Lola Leave Your Light On', avec son riff à la AC/DC et son refrain immédiat apportent quelques variations de rythme supplémentaires ainsi qu’un effet de surprise rafraîchissant.
Le style Gov’t Mule reste cependant identifiable. Le chant de Warren Haynes est toujours aussi profond et son jeu de guitare privilégiant l’émotion et la note juste à la démonstration technique, reste le même. Les tempos sont parfois lourds ('About To Rage'), parfois hypnotisants ('Wine And Blood'), voire planants ('My Separate Reality'). Mais surtout le groupe se livre à quelques jam-sessions dont il a le secret et sur lesquels Danny Louis s’impose comme un partenaire de choix pour Warren Haynes. 'Silent Scream' finit d’ailleurs sur une véritable orgie instrumentale alors que 'New World Blues' bénéficie de passages très aériens. Enfin, il serait injuste de ne pas signaler la performance de Matt Abts. En effet, ce dernier réussit à s’adapter à la nouvelle formule qui lui laisse la possibilité d’aérer son jeu, ce dernier ayant moins d’espace sonore à remplir, sans pour autant y perdre en efficacité.
Ce nouvel opus voit donc Gov’t Mule se maintenir à un niveau frôlant l’excellence tout en réussissant à renouveler son style. "Déjà Voodoo" est un grand album que les néophytes peuvent aborder d'emblée pour plonger rétrospectivement dans les premières œuvres de la période Allen Woody. Quant aux fans ils savoureront avec soulagement le plaisir d'une aventure qui continue avec de nouvelles perspectives qui se dessinent à l'horizon.