Toujours aussi courageux dans sa démarche créative, Mastodon prend ici une direction qui ne manquera pas de surprendre son public, habitué depuis une décennie à un metal technique, extrême, sauvage et sans concessions, bien que non dénué de finesse. En choisissant ainsi de renforcer l’aspect mélodique au détriment d’une certaine violence, Mastodon semble nier un certain héritage 'sludge' et privilégier une filiation avec les grands du rock et du prog dits « classiques », et dévoile même quelques influences étonnantes, notamment Soundgarden ou encore Opeth.
Musicalement, le choc est profond mais ce changement ne prive pas pour autant le groupe de son identité fondamentale. Le 'son' Mastodon demeure, inamovible, puissant et reconnaissable entre mille, malgré une perpétuelle mutation artistique (le groupe change même de logo à chaque album). Il s’agit toujours de metal évidemment mais délivré avec une maturité et une audace qui laissent pantois.
Le mix de "Blood Mountain" laisse place à un ensemble à la fois plus dense et plus atmosphérique qu’à l’accoutumée, qui peut surprendre (voire déplaire) par son homogénéité. Peaufinée par le touche-à-tout Brendan O’Brien (RATM, Incubus, Springsteen, AC/DC entre autres), la production privilégie le collectif à l'individualité tout comme les compositions qui délaissent bien souvent les aspects techniques et complexes au profit d'ambiances aériennes voire psychédéliques !
Cet effet est renforcé par une utilisation des voix absolument fantastique avec le chant sec et ardu du duo Hinds/Sanders qui se mue en harmonies vocales à couper le souffle, soutenues à l’occasion par les deux autres musiciens (Dailor sur "Oblivion") ainsi que par l’inévitable Scott Kelly, qui depuis "Leviathan" ne manque aucun des albums du groupe. Il amène ici un peu de noirceur au titre éponyme.
Conceptuel toujours, Mastodon s’illustre ici encore, évidemment, par des textes matures et intelligents, dans la continuité stylistique, sinon thématique, de leurs précédentes réalisations. Il y est question, rapidement (pour ne pas vous priver du plaisir de l’interprétation), de Stephen Hawking, de voyage astral et de la Russie tsariste.
Plus que jamais libre de toute contrainte, Mastodon poursuit donc son voyage aux frontières du genre avec ce "Crack The Skye" aux allures de futur classique, épique et osé, qui affirme une bonne fois pour toutes le caractère profondément progressif du groupe et redéfinit avec un talent incroyable son orientation.