"Foresight/Poorsight", premier album des américains, marque la concrétisation d'une collaboration débutée en ce début de millénaire et qui avait mis à jour jusque là une démo et un EP. Née sous l'impulsion de Jon Scarpelli, chanteur et guitariste qui fit ses premières armes au sein de groupes jazz ou rock (il s'illustra dans un combo de rock alternatif nommé Vessel) pour ensuite proposer ses propres compositions, c'est sous le nom de The Johns que commence réellement l'aventure.
Nouveau venu issu de la scène pop-rock de Chicago, le quatuor se distingue alors par une dimension émotionnelle forte, une certaine diversité et un aspect très organique de leur musique. Assez proche de la rencontre de The Verve et du dernier Sigur Rós, tout autant dans le raffinement des mélodies des deux formations que dans le chant de Jon Scarpelli, rappelant respectivement Richard Ashcroft quand la voix se fait plus appuyée et Jón Þór Birgisson quand elle rentre plus dans les aigues, The Johns crée autour de ces onze titres, un univers empli de délicatesse et de sobre sensibilité.
A l'orée de cette sphère tantôt nébuleuse ("Sun for Days" proche des sonorités post-rock des islandais, "Are You still Coming"), empreint d'une douce mélancolie ("A Snake and Rose") ou au contraire plus rythmée ("Defeatist") se découvrent de paisibles ballades folk ("Compass Rose") voire une ritournelle country (Can't Carry No More"), rare moment plus allègre dans cet album tout en retenu.
Aucun titre ne dénote ou semble se perdre dans un ensemble qui ne lui appartient pas, une sorte de lien semble unir chacun d'entre eux, et dont le maître mot paraît être celui de transmettre des sensations variées, simples mais bien présentes.
Cet opus de The Johns n'apporte d'ailleurs pas particulièrement d'intenses envols émotionnels mais il procure un précieux bien-être en créant une aura poétique qui apaise autant qu'elle séduit. Le chant très expressif de Jon Scarpelli, tout en modulation au fil des morceaux, est lui-même une source importante de subtilité et de fragilité au-delà des guitares dominantes et des quelques notes de piano.
En tant que beau moment fait de simplicité, "Foresight/Poorsight" fait penser que The Johns mérite d'ores et déjà sa place parmi les valeurs sûres. Il n'est pas donné à tout le monde de convaincre après seulement un essai. Mieux que ça, The Johns crée une petite surprise et propose ici une première réussite.