C’est toujours avec une certaine curiosité mêlée d’un peu d’émotion que les premières notes du premier album d’un groupe inconnu s’écoulent dans nos conduits toujours avides. L’émotion est encore plus intense quand, dès les premières mesures, l’impression d’être en face d’une révélation se fait sentir.
C’est le cas avec cette première production de Free Spirit, groupe originaire de Finlande. Ils font de l’AOR, genre musical souvent décrié, mais qui redore régulièrement son blason grâce à de belles sorties ponctuelles, comme celles de Brother Firetribe, Work Of Art, ou encore tout récemment Place Vendôme.
Car dès les premières mesures de ce « Pale Sister Of Light », une personnalité se dégage de leur musique. Le son, la voix, les chœurs, forment un tout qui accroche directement, tout comme la mélodie de ce premier titre « Shadow Of A Man ». L’impression est amusante, car si les ingrédients sont connus, leur présentation apporte un air frais qui fait le plus grand bien. La voix de Sami Alho n’y est pas étrangère, un croisement improbable entre Morten Harket de A-Ha et Vile Vallo de Him. Les plus pointus en AOR penseront sans doute aussi à Joss Mennen de Zinatra, d'autant que cette parenté ne s’arrête pas au chant, elle touche également ce don pour les riffs et refrains enlevés aisément mémorisables (écoutez par exemple l’excellent « Pale Sister Of Light »). Sami Alho a toutefois un registre suffisamment large pour ne pas lasser ni copier, et il est incontestablement un des points forts de cette production.
Les guitares sont aussi bien ancrées pour donner un maximum de plaisir, pouvant se faire bien grasses à la Sweet (le riff de « Cry Of An Eagle» rappelle d’ailleurs un peu celui de « Turn It Down ») ou plus acoustiques, et ce parfois dans le même titre. Les tempos sont variés, mais avec une dominante de rythmes fringants, dont les trois premiers titres de l'album. Il y a quelques belles idées réussies, comme « Easy Days », ses percussions, ses chants tribaux et ses sonorités de flûte de Pan, intégrées dans un jeu de guitare électrique et acoustique. Probablement le plus beau morceau de l’album. Le reste des compositions évolue avec bonheur entre Dare, Russ Ballard, Zinatra, avec de petites pointes de Bon Jovi première époque et même de Ratt sur certains refrains.
Mais tout n’est pas parfait. En effet, plus vite une mélodie accroche et plus vite elle lasse, et certaines ici n’auraient pas fait tache dans un concours Eurovision de la chanson (« Far Away From Heaven »). Eh oui, la limite entre légèreté et vacuité est ténue, et entre AOR et rock kleenex, il y a une marge à ne pas franchir, une marche à ne pas descendre. Il faut avouer, que sur la longueur, certains titres risquent de ne pas tenir.
Et puis il y a ce qui aurait pu, ce qui aurait dû être le titre phare de l’album, « Heroes Don’t Cry », qui n’est, au passage, pas une reprise des Scorpions. Intro à la guitare acoustique, chant et ambiance immédiate à la Blind Guardian garantie, on se dit qu’on tient un morceau AOR épique d’anthologie. Et puis rien, à peine une batterie un peu plus lourde, quelques riffs incisifs et un solo vite emballé, mais hélas, si peu de variations dans le développement. On se prend alors à écouter les paroles et c’est le désastre, plus cliché que chiqué, mais l’épreuve est rude. En voici quelques extraits du meilleur du best of: « We were abandonned by God, blinded by love » …. « I'll come like a hero and heroes don't cry for love » … « And like a hero I rose up against the storm. ». Désolant, ils auraient dû chanter en finlandais!
Enfin, atteindre la perfection avec un premier album, c’est rare. Ne boudons donc pas notre plaisir, car nous avons là une belle découverte avec une vraie personnalité, et un solide album pour les fans d’AOR et de hard mélodique. Ne passez pas à côté !