Après l’excellent « D’un Autre Sang », peu de personnes pensaient que Manigance avait la capacité de progresser et surtout de se renouveler suffisamment pour créer à nouveau la surprise. Et pourtant, avec ce « L’Ombre Et La Lumière » les Béarnais apportent la preuve flagrante qu’il ne fallait pas les sous-estimer et qu’ils disposaient encore d’une bonne marge de progression.
S’il est un peu difficile d’affirmer que ce disque est supérieur à son prédécesseur, on peut avancer sans crainte qu’il est au moins aussi bon. Bon nombre des ingrédients utilisés sont identiques, à commencer par le chant en français qui reste un des atouts identitaires du groupe. Et qu'il s'agisse de la qualité du son ou de la maturité des compositions, nous sommes toujours au niveau des standards mis en place avec « D’un Autre Sang ».
Si l’effet de surprise ne joue plus en faveur de Manigance, ce nouvel album se révèle néanmoins aussi jouissif et efficace que son prédécesseur. D’une agressivité égale à ce dernier, « L’Ombre Et La Lumière » n’en comporte pas moins de petites incursions vers des horizons proches de l’univers Progressif, à l’image du très bon instrumental « Labyrinthe » ou bien de « Le Miroir De La Vie ». Incursions qui permettent d'ailleurs au disque de rester digeste et frais, malgré une densité en termes de mélodies, de riffs et de breaks assez impressionnante. La structure des morceaux combine en effet une efficacité née de l’utilisation de mélodies et de refrains imparables, avec une maîtrise instrumentale qui permet au groupe de multiplier les changements de tempos et d’ambiances.
Si le chant de Didier Delsaux, la paire de guitaristes François Merle / Bruno Ramos, et Daniel Pouylau, le batteur sous EPO (« Sentinelle »), constituent toujours des atouts de premier ordre pour le groupe, ce ne sont plus les seuls. En effet, le travail réalisé par Florent Taillandier aux claviers est désormais beaucoup plus convaincant et bien mieux mis en valeur que par le passé. Le son est excellent, François Merle se chargeant une fois de plus de l’enregistrement et du mixage dans le studio personnel du groupe, selon une formule désormais rodée et qui a fait ses preuves.
On sent que le groupe a énormément travaillé tant les morceaux sont bien en place. Dans la plupart des cas, ceux-ci disposent d’une intro qui lance la dynamique du morceau (« Prison Dorée »), ou bien qui créé une ambiance toute particulière (« Esclave » ou « Sentinelle »). Viennent ensuite les riffs de guitare, à la fois incisifs et mélodiques, avec cette qualité d'attaque de corde qui donne au groupe ce son mordant qui lui est propre. Les refrains sont comme toujours des modèles d’efficacité, tandis que les soli restent diablement inspirés.
Pas ou peu de défauts à noter, si ce n’est l’absence d'un ou deux morceaux se démarquant réellement du style de prédilection de Manigance. En effet, à l’exception de « La Force Des Souvenirs », la ballade de rigueur, le groupe assène à l’auditeur une série de compositions assez similaires dans leur conception où il est parfois difficile de différencier un riff d’un autre. C’est d’ailleurs cet aspect qui singularise le plus « L’Ombre Et La Lumière » en comparaison de « D’un Autre Sang » : autant ce dernier disque proposait des titres immédiatement distinguables et mémorisables, autant « L’Ombre Et La Lumière » s’avère plus dense, plus travaillé, plus riche mais également un peu moins facile d’accès.
Mais ceci n'est qu'un détail tant la qualité est au rendez-vous, a l’image du titre qui donne son nom à l’album, véritable tuerie en matière de Heavy Metal mélodique. A placer la barre si haut à chaque fois, on est en droit de se demander si Manigance possède un plafond en terme de progression...