Le progressif est-il soluble dans un trio sans clavier ? A l’audition du dernier opus des Brésiliens de Dialeto, intitulé Will Exist Forever, la question mérite d’être posée. Voici donc un trio guitare + voix - basse - batterie, proposant une musique évolutive proche de ce que l’on pourrait trouver dans le jazz, mais teintée de colorations atmosphériques avec des touches folkloriques, ce qui nous rapproche du progressif.
A dire vrai, la relative brièveté des titres (jamais plus de 5’30) n’incite pas aux dérives à rallonge dans lesquelles peut parfois se noyer le progressif, et le groupe s’appuie plus sur une rythmique groovy (Seven Drunks, Misty Queen) que sur des compos savamment construites par emboitements successifs. Saluons d’ailleurs l’excellente complémentarité de Miguel Angel à la batterie et Andrei Ivanovic à la basse fretless au son si particulier : plus de 20 ans de pratique commune, ça aide !
Sur des structures donc relativement simples, parfois en roue libre sur certains soli (Gunga Din, Enigma sentent la libre impro), Dialeto évolue avec ce que l’on pourrait qualifier d’instrumentation minimale : la guitare (joli toucher) est l'unique instrument solo, et seul le titre d’ouverture s’appuie sur quelques accords de synthé façon néo. Si côté musiciens, nous avons donc affaire à une solide prestation technique, nous serons moins enthousiastes avec le chant, très monocorde et apportant donc fort peu de coloration à l’ensemble. La sobriété dans les moyens instrumentaux est autant une qualité - le rendu atmosphérique est constant - qu’une limite : la linéarité ambiante peut parfois confiner à la monotonie.
Ainsi donc, les amateurs du progressif classique ou métal se détourneront probablement de Will Exist Forever, un peu trop ascétique pour combler un besoin d’emphase. Les amateurs d’ambiances type Matt Parmenter (écoutez Madame Blavatsky) pourraient par contre y trouver leur compte, pour peu qu’ils ne soient pas rebutés par des vocaux assez inexpressifs.