Avec "Amorica", les Black Crowes ont franchi le dangereux écueil du troisième album avec classe, faisant évoluer leur style sans le défigurer. Tous les oiseaux de mauvais augure en étaient donc pour leur frais, et autant le dire sans détour, ils le seront à nouveau avec ce "Three Snakes And One Charm". Les frères Robinson sont toujours entourés par les 4 mêmes musiciens, ce qui leur permet de garder l’homogénéité du groupe, même si ce confort les fait flirter avec le risque représenté par la facilité qui en découle.
Pas de quoi ergoter, d’autant que le sextet nous délivre une première partie d’album magistrale. En effet, les 6 premiers titres qui composent la version originale sont tous des joyaux. "Under A Mountain" et "One Mirror Too Many" oeuvrent dans un style, certes relativement classique pour les Crowes, mais d’une redoutable efficacité avec leurs riffs entraînants, leurs refrains immédiats et les classiques relents psychédéliques. Le combo nous sert également deux superbes ballades avec "Good Friday", dans un style mid-tempo, et avec "Girl From A Pawnshop", profonde et illuminée par le chant déchiré de Chris. Enfin, le groupe dégaine 2 titres irrésistibles avec "Nebakanezer" au riff hypnotisant et au refrain aux sonorités Beatlesiennes, et avec le tube imparable "Blackberry". Son rythme saccadé, ses multiples breaks et son ambiance joyeusement enfumée font de ce dernier le sommet de l’album.
Bien qu’étant toujours de qualité, la seconde partie de l’album baisse un peu de régime malgré un "(Only) Halfway To Everywhere" funky et entraînant. En effet, les Robinson Bros. confirment leur attachement à Led Zeppelin avec l’enchaînement de 2 titres aux sonorités folk : "Bring On, Bring On" et "How Much For Your Wings ?". La musique est de qualité, mais le fait que ces 2 morceaux se suivent est à l’origine d’une forme de décrochement dans l’intensité de l’album. Du coup, malgré le dynamique "Let Me Share The Ride" et sa section de cuivres, la road-trip song "Better When You’re Not Alone" et l’envoûtant "Evil Eye" laissent le sentiment mitigé d’un atterrissage certes agréable et confortable, mais au léger goût d’inachevé.
"Three Snakes And One Charm" reste cependant un album d’une grande qualité, sorte de compromis entre la facette plus immédiate des 2 premiers albums du groupe, et celle moins évidente d’"Amorica". Nous signalerons également les deux titres bonus de la réédition, le très Rock’n’Roll "Just Say Your Sorry" et la reprise de Willie Dixon "Mellow Down Easy" qui viennent redonner la dynamique que cet album avait légèrement perdu en route. The Black Crowes conservent donc leur statut de groupe surdoué à l’identité affirmée, malgré une légère faute d’ordre tactique, insuffisante pour les faire vaciller.