Alors que l’idée reçue veut que l’exploration du côté obscur de la musique progressive soit la chasse gardée des groupes scandinaves, voici qu’un groupe espagnol se pose en candidat sérieux pour chambouler cette hiérarchie établie. Nahemah - puisque c’est de lui qu’il s’agit - arpente la scène métal espagnole depuis 1997 et s'il s’était cantonné à jouer dans un registre black symphonique, voici que depuis 2007 et le fort bien reçu par la critique « The Second Philosophy », les Ibères nous proposent un black progressif ambitieux.
« A New Constellation » débute par un « Much Us » oscillant entre la rage d’un chant âpre black et la mélancolie de mélodies toutes progressives. Mais c’est au contact du titre suivant, « Absynthe », que la recette de Nahemah se sublime en approfondissant un versant du progressif jusqu’alors non exploité par la scène extrême. En incorporant du saxophone dans ses compos, leur donnant ainsi des petits airs jazzy, la musique de Nahemah prend une toute autre envergure avec des parties qui rappelleront à certains Pink Floyd voire Supertramp à la faveur de leur saxophoniste commun, John Helliwell. Enchantement qui s'amplifie sur l’instrumental envoûtant « Air ». Envoûtant, le mot sied particulièrement à cet album en général et à des morceaux comme « Follow Me », petit bijou d’alternance de haine propagée par le black metal et de mélancolie véhiculée par des mélodies acoustiques piano/guitare.
Seul bémol dans ce tableau fait de contrastes, le chant clair mélodique. Si ces refrains - souvent décriés - semblent adaptés au style death mélodique, ce mariage contre-nature montre toutes ses limites sur « A New Constellation » et atteint son paroxysme sur le titre « The Perfect Depth of the Mermaids ». Mais à l’inadaptation préjudiciable de ce chant, on opposera les guitares lancinantes qui vous prennent aux tripes et vous attirent aux tréfonds des abymes émotionnels… Sensation que l’on retrouvera sur le final hypnotique de « Under the Mourning Rays ».
Au final, même si l’immersion dans l’univers de Nahemah est moins totale que dans celui particulièrement épique d’un Enslaved, les Espagnols proposent une approche jazzy du black progressif le rendant presque autant addictif. Ainsi, après un certain temps d’adaptation pour digérer cette nouvelle exploration du prog' extrême, les férus du genre trouveront en Nahemah un palliatif de talent à Enslaved. Reste à souhaiter que le combo ibérique trouve son public afin de ne pas rester cantonné au rang des groupes juste encensés par la critique.