Je ne suis pas très au fait de la scène française pour des raisons d’opportunité (j’ai tellement d’autres choses à écouter) et surtout de goût (on ne se refait pas). Le groupe ACWL est formé de trois musiciens français dont la presse semble avoir pris soin de défendre le travail. Quand on sait que Nicola Sirkis, le chanteur d’Indochine, a offert à ce trio la possibilité de faire sa première partie ainsi qu’une apparition sur leur précédent disque, on est en droit de se demander quelle part de leur reconnaissance est directement due au talent de ACWL ? Votre serviteur dévoué et décidemment très éclectique en ce moment va essayer de vous donner divers éléments de réponse.
Les images (sonores) que je me fais d’Indochine ne sont pas celles que m’inspirent ACWL. Je dirais même que si Indochine ne me passionne guère, mon intérêt est bien plus éveillé avec ACWL. Cela tient-il aux ambiances mélancoliques très gothiques (sans le côté malsain) et romantiques, aux riffs bien saturés de guitare ou aux séquences électro très bien dosées ? Nul ne sait et l’examen de mon inconscient pourrait un jour y répondre. J’avoue que ce genre de tempos, de mélodies et de structures a quelque chose de déconcertant pour l’homo-progressius que je suis.
De plus, l’univers créé par les quatorze morceaux que contient ce Chemin du Ciel est dense et luxuriant, avec deux constantes : la cohérence et la créativité.
Chaque morceau est immédiatement assimilé par l’organisme et une certaine quiétude enveloppe le corps et accompagne l’imagination de l’auditeur. Le chant de Céline prend un profond écho tellement celui-ci est chargé en émotion et en expressivité, et cela est palpable dès la première chanson « Promesse » avec ce mariage de deux voix envoûtantes.
Les instruments sont joués avec énergie sans aucune concession à un quelconque format radiophonique. Magnifiées par une production impeccable, c’est un plaisir pour les oreilles d’entendre cette basse bien expressive (le refrain de « Athena » par exemple) et cette batterie tapageuse. Le côté électro est plutôt bien réussi avec, par exemple, le presque instrumental « E-fée ».
Le métalleux pur et dur saura trouver son intérêt dans les rythmiques bien puissantes de guitare qui donnent une richesse et une puissance venant trancher avec les rythmiques classiques de l’album, apportant parfois une couleur presque indus à la musique de ACWL (« Sanctus »). Les mariages improbables, qui dans les mains d’un autre groupe auraient créé un ersatz inaudible, sont ici très heureux. Pour preuve, l’union pour le meilleur des Cranberries et de Mylène Farmer avec le morceau « Morphée » ; celui-ci accouchant d’un appendice instrumental aéré et entraînant qui lentement se déploie : « Renaissance ». Le style Indochine se retrouve dans « Entrer dans la danse » mais il est sublimé par des rythmiques plus franches que chez nos gothiques gaulois. L’excellent « L’invisible » avec son refrain torturé et extrêmement mélodique possède une part de mélancolie que l’on pourrait rapprocher d’un Anathema.
Le travail des voix est assez stupéfiant et on retrouve des références aussi prestigieuses que Arjen Lucassen dans ce qu’il a pu tirer de ses interprètes féminines avec Ayreon. La meilleure illustration de cette caractéristique est le titre « Alarme ». En plus d’une voix, ACWL multiplie les mélodies à chaque chanson. Les harmonies de « Elieanor » sont au premier abord trop évidentes mais elles se révèlent brillantes.
Concernant les textes, ceux-ci sont relativement ésotériques. Les thèmes sont généraux, dixit le groupe, mais l’absence du livret des paroles dans la préparation de cette chronique nous empêche de nous prononcer de manière plus précise. Sachez que le français se marie parfaitement avec le style pratiqué par le groupe. Avec une voix comme celle de Céline, peu importe la langue, l’émotion est transmise. Le seul point négatif que je soulèverai relève simplement de mes goûts personnels. En ce sens, la présence de chants lyriques, même disséminés avec parcimonie, n’est pas ce que je préfère écouter (« Sanctus »).
Les références me manquent au moment de rendre un avis sur ce disque, et mon inculture dans le style pratiqué me donne peut-être l’illusion d’une grande originalité. Ce qu’il y a de sûr c’est que la créativité est là avec son corollaire, et le talent évident. On aurait pu penser que les ambiances automnales seraient meilleures compagnes pour l’écoute de ce genre de disque, mais celle-ci s’avère adéquate avec les moites nuits estivales. Ce qu’il y aurait de dommageable pour ce groupe serait de le réduire à une simple copie d’Indochine, car ACWL est bien plus que ça. C’est en tout cas un très bon album qui viendra prendre une place particulière au milieu de votre discothèque.