Premier album solo pour cette chanteuse de Black Opera qui possède une solide carrière puisqu'elle a fondé le groupe Presence en 1991. Un album conceptuel basé sur la combinaison de textures sonores et d'ambiances enchevêtrant voix et instruments. Une voix qui invite des instruments et d'autres voix tantôt masculines, tantôt féminines, pour, je la cite, le résultat suivant : "Led Zeppelin that meet Renaissance".
Ce qui est certain, c'est que Sophya a tout fait elle-même : elle a composé la musique, les paroles et elle interprète tout. Enfin, presque tout, car elle a invité Lino Vairetti du groupe Osanna (chanteur, guitariste, claviériste) et Martin Grice du groupe Delirium (flûtiste, saxophoniste, claviériste et chanteur), dont elle fut pianiste et choriste dans le dernier album (Il Nome del Vento).
Je me disais que cet album allait me barber. D'abord parce que l'italien n'est pas ma langue de prédilection dans le rock et ensuite parce que les albums à chanteuse, ça me file des boutons. Mais le disque est tellement beau que j'en ai oublié mes griefs pendant une heure. Et il y a des passages en anglais. Les arrangements sont tellement somptueux que tout semble parfait, limpide et dynamique. La partie rythmique cependant me rend plus critique : une batterie un peu trop binaire associée à des sonorités loin d'être convaincantes, ce n'est pas top. Mais encore une fois la qualité des arrangements estompe bien des défauts. On est noyé littéralement sous les effets musicaux de toutes sortes : bruitages, transformations de sons, nappes de clavier aux interventions virevoltantes ou pesantes (suivant les moments) qui se muent en vents, en cordes ou en piano de concert, ...
Album conceptuel, comme je le disais plus haut, qui tantôt enveloppe son auditeur d'ambiances sombres et oppressantes et tantôt propulse ce même auditeur suspendu à l'éther vers des sommets lyriques qui vous laissent une chair de poule carabinée jusqu'aux plis du cou. On navigue entre Kayak (opera rock) ou récemment PFM (opera rock) et Grease, comparaisons valant pour la seconde partie surtout et ce sont juste de vagues points de repère.
Il est possible de globalement diviser l'œuvre en 2 parties : l'une est chantée en italien (le premier tiers du disque), l'autre en anglais. La transition se fait avec "Beware, Beware" qui mêle des paroles en anglais, en français et en italien. Tout le travail est principalement axé et basé sur la voix, en tant qu'instrument d'abord et ensuite seulement comme vecteur de paroles.
Loin de moi l'idée barbante de vous détailler un tel concept-album par le menu, la nature même du disque ne s'y prêtant pas, mais certains moments extrêmement forts méritent d'être mis en lumière. "Elide" fait partie de ces moments. Ce passage est d'une telle majesté qu'il est dommage qu'il s'arrête pour laisser la place à la plage-titre. Le morceau le plus impressionnant et étonnant de cet album est "Two Witches And Doreen". Une nouvelle voix féminine fait son apparition : dure, puissante, redoutable et pour rigolote qu'elle soit au début, elle devient glaçante de beauté dans le corps de ce passage. Comment cette diablesse de Sophya parvient-elle à un tel résultat vocal ?! Quant à "Don't Dream That Dream", il aurait le don de nous faire croire que Jethro Tull s'est invité à la fête avec sa flûte baroque. Sauf qu'ici personne ne chante en même temps qu'il joue. Ça ressemble donc un peu moins à un cheval fou. Mais quelle ardeur tout de même !
Le final de l'album est assez raté selon moi. Au lieu de l'apothéose espérée, à l'image de l'heure passée avec cette artiste, "Circle Game" ressemble plus à une pierre jetée dans l'eau et qui fait juste "plouf". Comme c'est dommage de ne pas avoir mieux amené la fin, sans quoi c'eût été véritablement un très grand album. Le disque se termine donc par une sorte de chanson à la manière d'Emmylou Harris. Peut-on zapper la fin afin de faire passer ce disque pour une perle rare ? Pourquoi pas !
Il s'agit d'un concept-album, mais les 5 derniers titres sont des bonus qui ne font pas réellement partie du noyau conceptuel. Sophya Baccini a voulu les intégrer, mais ce n'était pas évident et ce n'est pas une réussite. Je ne suis pas pour autant en train de vous dire que la galette est bonne à jeter. C'est au contraire un excellent disque, qui sort de l'ordinaire, une de ces oeuvres inclassables et belles qui ne sortent qu'une ou deux fois l'an. Ecoutez-le et vous verrez que j'ai raison...
En conclusion, voici un OVNI musical tiré du microcosme progressif de cette année 2009, un album conceptuel basé sur la chanteuse et ses invités. Dommage pour la fin légèrement mal choisie. La chanteuse ? En rapprochant la voix de Christina Booth du groupe américain de Folk Prog Magenta, on pourrait peut-être obtenir une très imparfaite comparaison. Quant aux influences, elles restent difficiles à percevoir, aucune n'étant évidente ; le style Sophya Baccini est complètement personnel. Chapeau aussi sur ce point-là.