La seule apparition de Dan Reed Network en France remonte au 5 décembre 1989. Le groupe assurait alors la première partie de Bon Jovi au Palais des sports de Saint Ouen. Hormis ce passage éclair et une apparition de son chanteur, Dan Reed, dans le film « Lake Consequence », le groupe n’a jamais défrayé la chronique dans l’Hexagone. Ce manque d’intérêt de la France pour le groupe de Portland peut être attribué en partie au style pratiqué par le groupe, un Hard FM musclé aux connotations fusion. En effet, si l’on se place du strict point de vue de la qualité des trois albums de Dan Reed Network, ce manque de succès est tout bonnement incompréhensible. On est là face à un phénomène à la Kings’ X.
Le premier album du Dan Reed Network est une collection de titres tous plus catchy les uns que les autres. Le style, alors assimilé à la fusion, oscille entre Rock / Funk et Hard FM.
Dès le premier titre, « World Has A Heart Too / Get To You » et son intro tribale à la basse, la messe est dite. Le groupe nous emporte dans un tourbillon où puissance, sens du rythme et classe se partagent la vedette. La section rythmique est énorme. Outre la basse, qui se taille la part du lion, et la batterie, qui sonne un peu trop « électronique », le rythme est également tenu par les claviers. Les interventions de guitares apportent une touche d’agressivité et de rugosité qui contribue grandement à l’alchimie du groupe. Cette dualité entre le coté FM du chant et des claviers et la sauvagerie des guitares concourt grandement à façonner la personnalité du Dan Reed Network. Quant au chant, il est à la fois "sale" et charmeur.
Aucun morceau n’est dispensable, et l’on se réjouit de titres tels « Human » ou « Resurect » avec son intro et ses refrains surpuissants qui vous mettra à genoux via un solo de guitare final époustouflant de justesse. Le groupe vous achèvera enfin avec la bombe « Rock You All Night Long » qui, à l’image du « Rocket Queen » de Guns & Roses, se termine de manière très décalée. Reste le bonus « Tatiana », d’un niveau nettement inférieur au reste de l’album.
Le seul petit défaut de ce disque réside peut-être dans le son. En effet, si la présence de Bruce Fairbairn à la production (AC/DC, Bon Jovi, Van Halen…) et de Mike Fraser (Van Halen, AC/DC, Malmsteen…) derrière la console est une garantie de puissance et de clarté, il n’en reste pas moins que la plupart des morceaux, à l’image de « Ritual », sonnent désormais très « années 80 », notamment les claviers, les effets sonores et certaines parties de guitares.
Mais ce petit détail n’altère que très peu le sentiment de baffe monumentale qui suit l’écoute de cet album incontournable. De plus, ce sentiment disparaîtra totalement sur scène où le groupe axera ses performances sur l’énergie et les guitares. Le Washington Post comparera d’ailleurs le Dan Reed Network de cette période, sur album et en concert, en écrivant « certains titres, comme “Get To You”, dont le côté “synth-heavy” peut irriter sur disque, sont interprétés en concert avec suffisamment de coeur et de guitare pour les transcender ». Mais s’il est vrai que le groupe sait se montrer encore plus bouillant en live, il n’en reste pas moins excellent sur album.