Non, non, rien n'a changé, tout tout a continué, yeah yeah ! (pour la réponse au blind-test, contacter le secrétariat …). Ce célèbre refrain quasi-quadragénaire s'appliquait sans problème à IQ, stabilisé dans son line-up depuis la sortie d'Ever (en 1993), et dans sa musique depuis ses débuts (soit près de 25 ans), si l'on excepte la parenthèse Paul Menel / Nomzamo / Are you Sitting Comfortably. Et puis d'un coup d'un seul, voilà que deux de ses éminents fondateurs décident de quitter le navire passée la sortie de l'excellent Dark Matter. Paul Cook tout d'abord, qui lassé de ses fûts s'en va courir les lochs écossais pour assouvir sa passion de la pêche. Et puis plus récemment, Martin Orford, qui lassé du business musical et de la piraterie encouragée par les autoroutes de l'information, décide dans un premier temps de quitter le groupe, puis de prendre définitivement (à cette heure-ci) la tangente.
IQ a tout de même surmonté ces épreuves, en trouvant deux remplaçants de qualité. Andy Edwards tout d'abord, vient prendre la place laissée vacante derrière la grosse caisse : sur son CV, on notera des cousins musicaux d'IQ tels Frost ou Neo, mais également un certain Robert Plant.
Du côté de Mark Westworth, dernier arrivé dans le quintet, on notera également quelques références célèbres dans le petit monde du néo-progressif, telles Grey Lady Dawn ou encore son rejeton Darwin's Radio. Les présentations étant terminées, reste maintenant à s'intéresser à l'essentiel, à savoir la musique qui compose ce Frequency, album qui aura mis presque 2 ans à être finalisé, et dont quelques titres ont été largement rôdés sur scène durant cette période.
L'album s'ouvre avec Frequency, qui ne tiendrait pas plus de 30 secondes à un blind-test, le temps pour le groupe de plaquer ses deux premiers accords mineurs reconnaissables entre mille. La rythmique est bien en place, et la première intervention de Peter Nicholls termine de planter le décor. Malgré les changements de personnel, nous sommes en terrain bien balisé, impression confirmée dans la suite du titre avec la section rythmique qui reprend les éléments syncopés caractéristiques du groupe.
Le magnifique Life Support va confirmer la tendance. Semblant tout d'abord issu des sessions de Subterranea, le morceau va prendre son envol dans une partie instrumentale énergique, menée tambour battant par les nouveaux arrivants : les sonorités de claviers deviennent un tantinet plus agressives, et surtout Andy Edwards se déchaîne derrière ses fûts, faisant rapidement oublier le sobre Paul Cook, et mettant en évidence une complicité plus qu'évidente avec John Jowitt et sa basse en fusion.
L'enchaînement des trois plages suivantes nous propose une quasi-suite de 25 minutes, véritable condensé (ou résumé) de la carrière du groupe, dans lequel les différents intervenants s'en donnent à cœur joie. La section rythmique poursuit son festival, tandis que Mike Holmes se fend de quelques soli magnifiques (Stronger Than Friction), et que Peter Nicholls, naguère souvent décrié (à tort ?) s'en sort franchement bien, évitant la monotonie quelquefois attachée à son timbre monocorde. Et, petite révolution, il irait même jusqu'à quasiment crier (!!!) dans Ryker Skies, titre dans lequel Mark Westworth se fait également sa place, en jouant sur une panoplie plutôt large de sonorités (synthés planants, techno, oldies …) et se fendant de quelques soli bienvenus.
Jusqu'à présent, nous l'avons vu, pas de révolution de palais et peu de surprises à attendre de cet album si ce n'est le plaisir incomparable de retrouver ce groupe rarement imité, jamais égalé. C'est avec The Province qu'une évolution sensible va tout de même voir le jour. Après un début très genesien, le morceau va s'emballer sous l'impulsion une nouvelle fois du batteur, entraînant tout le groupe dans des passages instrumentaux dantesques, à grand renfort de roulements de fûts, combinés à des ruptures rythmiques quelquefois à contretemps tout simplement jouissives. Le titre va ainsi dérouler ses différents thèmes tout au long de ses 13 minutes, pour un résultat progressif de tout premier plan, avec une intensité rarement entendue dans la discographie du groupe. Et pour mieux respirer après ce déluge, IQ aura la bonne idée de terminer cet album avec le très reposant Closer qui, telle une musique de générique de fin, va nous emporter tout doucement vers la conclusion de l'aventure musicale commencée une heure auparavant.
Avec ce nouvel album, IQ nous propose ce qu'il sait faire de mieux depuis sa création… à savoir de l'IQ ! Mais en le faisant mieux que personne, le groupe ravira une nouvelle fois ses fans. Les intégristes crieront au manque d'originalité. Et alors ? Pourquoi changer une recette qui fonctionne ? Et comme ce groupe a le bon goût de ne pas nous inonder de sorties annuelles, goûtons l'instant présent et gavons-nous jusqu'à plus soif de ce splendide album qui gagne en intensité à chaque nouvelle écoute.