TEE (comprenez The Earth Explorer) est un jeune groupe japonais de rock progressif qui compte comme particularité d’accueillir en son sein un flûtiste, Kenji Mai. Passée cette relative originalité, nos cinq musiciens proposent un rock prog largement instrumental, à mi-chemin entre le symphonisme flamboyant des 70’s et l’orientation jazz-rock adoptée par nombre de formations instrumentales contemporaines.
Avec « The Earth Explorer », c’est un premier album éponyme qui nous est offert, au charme légèrement désuet, timide presque lors des nombreuses digressions acoustiques à base de flûte traversière, mais qui sait se faire plus affirmé sur des parties électriques menées avec entrain et sincérité. "Nomad" est clairement habité par ces deux tendances, qui plutôt que de s’opposer sont parfois habilement mêlées, les sonorités de guitare et de flûte se mariant avec élégance sur la première partie de "Sirocco Chase", sensiblement jazzy, mais plus encore sur la seconde, lyrique, douce et aérienne, dans la plus pure tradition italienne (PFM).
Kenji Mai est le soliste principal de cet album, partageant le leadership avec Katsumi Yoneda à la guitare ; les trois autres instruments forment l’assise harmonique et rythmique de pièces relativement étirées (entre 7 et 8 minutes chacune), simples mais variées et surtout toujours très mélodiques. L’exemple-type de cette simplicité est certainement "Col de l’Iseran" : après une première partie sympathique mais vite répétitive, une mélodie de hautbois entrelacée à quelques interventions de flûte se laisse porter par un bel arpège mélancolique, avant que le flûtiste, profitant d’un nouveau dynamisme insufflé par la guitare en accords grattés, puis bientôt par l’ensemble des instruments, ne s’évade en solo. Toute cette seconde partie, qui est en fait l’âme véritable du morceau, renvoie sans aucun doute possible au Camel de « Snow Goose », comparaison qui eut pu être moins flatteuse.
Sur "Aurora", TEE franchit un palier qu’annonçaient les deux titres précédents et assume enfin le côté épique de son symphonisme, sans renier pour autant la douceur jazzy de certains arrangements et la sensualité aérienne de longs feulements guitaristiques marquant la maturité émotionnelle de ce groupe. Une maturité que l’on reconnaît également dans la capacité à marier ainsi la tradition progressive des années 70 à une certaine modernité jazz-rock principalement assurée par la guitare et le clavier ("L’oiseau bleu"), souvent utilisé comme piano. Point de compromission avec le métal cependant, comme c’est de plus en plus le cas aujourd’hui dans le rock progressif, mais une approche apaisée quoique souvent dynamique et rythmée, qui met d’autant mieux en valeur des passages plus lents et solennels.
Il n’y a pas vraiment de reproches à faire à ce premier album, aucun morceau ne paraissant moins convaincant que les autres. Néanmoins, si la diversité est présente au sein de chaque titre, sur l’ensemble du disque c’est l’uniformité qui règne ; dans le même ordre d’idée, hormis quelques mélodies réellement prenantes, le tout semble parfois proche de l’anecdotique, rien ne se démarquant vraiment. La faute peut-être au jeu des musiciens, appliqués et ayant à cœur de bien faire, mais du même coup manquant de spontanéité et de personnalité. Gageons qu’il s’agisse là d’un travers propre parfois aux premiers albums, et attendons avec confiance le second opus de ce groupe prometteur.