2001 : fini de rire. Après deux albums qui sont parvenus à faire de Megadeth un groupe commercialement plus séduisant, mais artistiquement plus lisse, Dave Mustaine a bien l’intention de prouver qu’il lui reste ce qu’il faut de hargne pour produire une œuvre sombre et âpre. Pour ce faire, il doit retrouver d’anciennes habitudes abandonnées depuis longtemps : changer son line-up et reprendre un contrôle total sur l’écriture des titres.
On l’entend alors à cette époque prononcer une phrase qui traduit l’essence même de ce qu’est Megadeth : « Le groupe était en train de devenir une démocratie, et Megadeth n’est pas une démocratie ! ». Après avoir viré sans ménagement Nick Menza, c’est donc Marty Friedman qui passe à la trappe, Friedman qui était sans doute le plus « démocrate » de la bande puisqu’il avait cosigné paroles et musique sur plus de la moitié des titres du "Risk". Un bref regard sur le livret vous permettra ici de constater que seul Al Pitrelli est crédité sur « Promises » au côté du maître… Point !
La tyrannie restaurée, c’est au tour du son et de l’ambiance lourde d’un "Countdown Of Extinction" de faire leurs retours : fini le son Hard-FM des précédents efforts, enterrées les fioritures mélodiques, on ressort les guitares grasses et les refrains velus ! « Disconnect » affiche donc une impressionnante sobriété, se parant d’une tonalité froide et métallique. Sans être revenu aux soli flamboyants des premières heures, on notera tout de même que la place laissée aux expressions de Junior et Dave a été revue à la hausse, les deux hommes s’avérant impeccables.
« The World Needs A Hero » nous replonge dans le Heavy Métal sauce Megadeth, le titre ayant malheureusement du mal à décoller réellement, lesté par un refrain manquant d’accroche dans sa noirceur. Mais que l’on se rassure, Mustaine sait toujours y faire en matière d’obscurité contrôlée et les deux très bons « Moto Psycho » et « 1000 Times Goodbye » viennent déverser leur rage froide sans sourciller. Deux nouvelles perles s’ajoutent avec un « Burning Bridges » au refrain plus mélodique, et un « Promises » tout simplement remarquable de justesse et de sensibilité.
« Recipe For Hate… Warhorse » nous rejoue avec bonheur la partition de l’accélération placée à mi-morceau, le tout saupoudré de quelques guitares acoustiques bien senties. A contrario, « Losing My Senses » reprend des tonalités hybrides moins rugueuses, offrant une jolie parenthèse avant un retour au lourd et gras de « Dread And The Fugitive Mind ». Puisqu’il est question de parenthèse, l’instrumentale « The Silent Scorn » vient nous offrir une nouvelle respiration avant que n’explose la surprise du chef : « Return To Hangar ».
Si on imagine mal que même les derniers arrivants dans le vaisseau Megadeth ne soient pas au courant qu’existe quelque part un « Hangar 18 » mythiquement mythique, les vieux de la vieille retrouveront en tous cas avec bonheur cette référence aux glorieuses années. Car en effet, loin de jouer la carte du titre purement commercial et racoleur, repiquant à outrance les schémas de son aîné, « Return To Hangar » affiche une identité propre assez forte en conservant le génie originel. Bien sûr l’effet de surprise est un peu passé, mais renier sa qualité serait mentir outrageusement.
Le constat est alors implacable : en variant les influences, cet album ne lasse jamais… Ou presque. En effet, Dave a l’idée incongrue de vouloir finir cette nouvelle offrande par un long « When », un très long « When ». S’embarquant dans 9 minutes dont 4 de narration introductive, notre homme prend le pari d’un titre Heavy conceptuel qui ne vaut malheureusement que pour sa deuxième partie, mais quelle partie ! Rythmique jouissive, soli brillants, un pur chef d’œuvre !
Ce n’est pas un retour aux racines, rappelons que ces dernières serpentaient profondément dans un Thrash speedé shooté à la cocaïne ! Mais sans aucun doute c’est un excellent retour au tronc : les branches et bourgeons pop ont été élagués à la hache et au rasoir, pour ne conserver que la substantifique moelle d’une dureté authentique et intransigeante. Il faut croire qu’en musique, la dictature a du bon !