Avez-vous déjà été envieux ? Il y a de grandes chances qu’en effet vous ayez déjà éprouvé ce sentiment, vous savez celui qui surgit lorsque vous êtes confrontés à plus grand, plus beau, plus doué que vous. Originaire d’Iran, Agah Bahari est homme à procurer ce sentiment cuisant de frustration : à 26 ans il peut en effet déjà se targuer d’avoir enregistré son premier album aux côtés des illustres inconnus que sont Derek Sherinian (ex-Dream Theater, Planet X…), Virgil Donati (Steve Vai, Planet X…), Ric Fierabracci (Chick Corea, Planet X…) et Rufus Philpot (Bill Evans, Planet X…).
Comme cela n’aura pas échappé aux plus observateurs d’entre vous, notre homme a établi à travers le choix de ses partenaires une très forte filiation avec Planet X, groupe phare de la scène métal prog, initié par son ami et compagnon de route Derek Sherinian. Cette référence seule pourra déjà pousser bon nombre d’entre nous à fantasmer sur le contenu de l’album, que l’on imagine déjà osciller entre groove fusion et sonorités métalliques spatiales. Et on imagine bien !
L’album attaque donc sur un « Collective Amnesia », pur produit de ce que la fusion métal peut offrir de mieux de nos jours. Soutenu par la rythmique jazzy d’un Virgil Donati dont on ne cessera de vanter les mérites, Agah distille ses premières notes avec une dextérité et un feeling remarquable. L’ami Derek nous gratifie de plusieurs leads en délivrant ce son spatial si particulier, tandis que Ric reste égal à lui-même en délivrant un son de basse chaud et sec à la fois, complètement jouissif.
Après cette bonne entame, c’est l’excellent « Revolving Universe » qui se charge d’enfoncer le clou, avec entre autre un solo de Derek magistral qui n’est pas sans rappeler celui d’un « Trial Of Tears » de Dream Theater. Si on ne peut s’empêcher de penser aux glorieux ainés tout au long de l’album, il faut toutefois signaler que Derek et dans une moindre mesure Agah ont tous les deux su développer un univers personnel particulièrement riche. On pourra d’ailleurs penser également à Andromeda, et d’autres comparaisons seraient possibles autant qu’inutiles.
Revenons-en à la musique donc : l’entrée en matière ayant été un franc succès, on aurait pu craindre que le soufflet ne se dégonfle. Il n’en est rien avec un « Orgasmic Sense Of Insanity » qui n’est autre qu’un des grands moments de l’album, enchaînant breaks et soli parfaitement inspirés. S’apaisant sur sa deuxième partie, le titre nous emmène naturellement vers la première accalmie de l’album « Everlasting Perfection » où la basse de Ric fait a nouveau des miracles, et où l’on découvre également qu’à un rythme plus humain Agah est capable de prouesses tout aussi saisissantes.
Le rythme repart de plus belle avec l’encore très bien mené « Nebular Hypothesis ». Venant prendre la suite, le plus direct « Protectors Caravan » manque d’un peu de puissance pour s’imposer totalement, mettant en évidence les problèmes de productions présents sur ce disque qu’on aurait souhaité plus net et plus tonique dans son mixage.
Malgré tout le plaisir est toujours présent et le calme « Hadrurus Arizonensis » nous amène à un autre constat qui, s’il n’a rien de négatif, est plutôt surprenant : nous ne sommes pas dans l’album solo d’un guitariste au sens où on l’entend généralement. En effet, sur cette piste Agah ne prend le lead qu’après deux minutes laissées à ses camarades, rappelant au final le fonctionnement de Planet X lorsque Tony MacAlpine se charge de la six-cordes. Le somptueux « Gravity » vient bien évidemment nous faire mentir immédiatement, Agah déroulant seul sa partition sur les nappes amples de Derek !
Nous arrivons déjà au final, et l’époustouflant titre éponyme « The Second Sight Of A Mind » vient nous saisir dans une boucle hypnotique imparable. « Heat Death » qui clôt véritablement l’album s’avère plus anecdotique, nous plongeant dans un climat sombre et dépressif avec entre autre un Virgil Donati particulièrement prolixe, mais manquant de netteté pour que l’on puisse pleinement l’apprécier.
En conclusion, si l’on se gardera bien de faire de cet album « solo » une émanation complète de Planet X, on se doit de reconnaître l’impact indéniable de cette référence. Mais comment aurait-il pu en être autrement alors que les musiciens sont les mêmes ?! L’essentiel est que cette comparaison, comme les autres, ne nous empêche pas de retenir l’émergence d’un guitariste hors-pair à suivre de très près dans les prochaines années. Au final ce disque est excellent, et c’est bien Tony MacAlpine qui pourrait être envieux de se voir piquer sa place par tant de talent !