S'il fallait aujourd'hui définir les deux pôles de la planète progressive, nul doute que l'axe qui les rejoindrait serait quelque peu décalé de l'angle d'inclinaison de notre bonne vieille Terre. Pour le néo-progressif, cap à l'Est avec la Pologne, où les groupes se multiplient à foison. Et pour le progressif hérité des 70's, la boussole est aujourd'hui clairement calée sur le Nord, où Suédois et Finlandais produisent à tour de bras depuis maintenant plus d'une décennie. Et quand tout ce joli monde décide de marquer une pause avec son groupe originel, c'est pour mieux se rassembler entre tribus amies pour créer de nouveaux projets, d'un jour ou de toujours.
Nouveau venu, à l'heure où je vous parle, et en provenance de notre "pôle Nord", The Opium Cartel est la chose du leader de White Willow (que je ne vous ferai pas l'injure de présenter), Jacob-Holm Lupo, et qui pour l'occasion s'est entouré d'une pléthore de vocalistes (dont Tim Bowness/l'homme qui n'existe pas), et d'instrumentistes en provenance de la galaxie scandinave (White Willow donc, Wobbler, Anglagard …). Tout ce petit monde réuni va donc nous pondre un album de… ? Eh bien non, vous avez perdu ! Ici, place à une pop progressive mélancolique mi-acoustique, bien éloignée des partitions traditionnellement sombre et 70's des groupes pré-cités.
Après cette longue introduction, place à la musique et à la collection de petites perles qui composent ce Night Blooms. Ici, la majeure partie des titres nous propose des mélodies envoûtantes, parfois faussement naïves (Three Sleepers), ciselées avec la délicatesse d'un orfèvre et superbement mises en valeur par des accompagnements jamais envahissants, mais dont la palette sonore, rehaussée par la présence de cordes, bois et percussions, colle à merveille avec le propos de ces chansons enchanteresses. L'alternance de voix féminines et masculines, même si ces dernières souffrent quelque peu de la comparaison, permet d'éviter le piège de la redite, et l'orientation globalement acoustique enveloppe l'auditeur de ses effluves enivrantes (toute comparaison avec le nom du groupe est bien entendu totalement fortuite).
Et puis, pour éviter l'ennui qui parfois colle aux basques de ce type de projet, nos lapons (lapons, habitants du Pôle Nord – voir précédemment) ont décidé de placer au milieu de l'album deux titres au propos franchement décalé par rapport au reste. C'est tout d'abord Honeybee qui va venir quelque peu agresser nos oreilles. Dans un style proche de Coldplay, ce hit en puissance est malheureusement gâché par un chant comment dire … catastrophique ? Bien dommage. Quant à l'écoute de Beach House, elle ravira … les fans de progressif, école scandinave teintée de post-rock psychédélique (ouf, n'en jetez plus).
Malheureusement, quelques petits bémols viennent un tantinet griser le tableau pour l'instant idyllique de ces Fleurs Nocturnes, et notamment l'introduction de l'album. Quand on connaît les facilités d'enregistrement et de mixage fournies par les technologies numériques, comment peut-on laisser passer un titre comme Heavenman, qui plus est placé en début de galette ? Voix approximatives, instruments hésitants, l'auditeur a l'impression d'entendre un vieux vinyle passant sur une platine à la courroie fatiguée ! Cette faute de goût coûte à elle seule un point sur la note ! Pour le reste, vous pouvez y aller les yeux fermés … A condition de ne pas vous attendre à un album estampillé progressif école scandinave.