En 1978, les Californiens de Toto frappent fort dès leur premier album. Au départ de l’aventure, un duo de copains, le batteur Jeff Procaro et le claviériste David Paich, déjà bien connus des studios où ils ont joué de nombreuses sessions (ils ont à l’époque 23 ans). Il leur vient l’idée de fonder leur groupe sur fond de style rock mélodique teinté de funk et dont les orchestrations, par leur richesse, se rapprocheraient de certaines productions progressives (l’influence de Kansas est alors à son apogée). Pour compléter le groupe, Jeff fait appel à son frère cadet Steve aux claviers, ainsi qu’à Steve Lukather, qui restera le seul guitariste du groupe jusqu’à ce jour (en 2009). S’y adjoignent le bassiste David Hungate et le chanteur Bobby Kimball qui vient épauler David Paich dans un registre plus aigü.
L’album sobrement intitulé Toto fera une entrée plus que remarquée dans le monde de la FM : nomination aux Grammy Awards, un titre classé n°5 dans les charts US (Hold the Line), et plus d’un million d’exemplaires vendus.
Ce qui frappe d’emblée à l’écoute, c’est l’extrême maîtrise à tous les postes : impeccablement produit, remarquablement orchestré, techniquement très en place, avec un bel équilibre des voix - les registres de David et Bobby se compètent très heureusement - et bonne utilisation des chœurs : ce premier album est bien au-dessus des canons habituels des productions de jeunesse.
Et puis il y a le style Toto : une musique faite de mélodies attachantes et immédiatement mémorisables (Manuela Run), souvent en tonalités mineures (Georgy Porgy) et parcourues d’un groove extrêmement plaisant, même sur un registre plus soul comme Takin’it Back ; un soin tout particulier dans les arrangements (la précision des percussions de Jeff Porcaro) et une utlisation poussée des possibilités instrumentales : l’ouverture de Girl Goodbye n’est pas très éloignée des canons du progressif. Nous sommes ici dans la mouvance qui habitait les groupes comme Supertramp ou Dire Straits seconde époque par exemple, avec une forte identité musicale et la volonté de produire un son soigné, éloigné de la vague punk qui sévissait par ailleurs. Aux States, ce son a d’ailleurs été jugé “trop West Coast”, trop sophistiqué, et il a fallu attendre le quatrième album du groupe pour que Toto obtienne le succès dans son pays d’origine.
Les deux albums suivants vont tendre vers un son plus dépouillé, ce qui n’est pas dans la nature première de ces mélodistes. Leur premier album est une très agréable découverte, parcourant une belle variété de registres, pour le plus grand plaisir de l’auditeur, qui redécouvre 30 ans plus tard un avant goût de presque tout ce que Toto sait faire. Plus qu’un coup d’essai !