De manière assez surprenante, alors qu’avec cet album D-A-D touche le fond en termes d’énergie et de rythme, il atteint presque des sommets en termes d’efficacité et de réussite artistique. Bien plus lent et posé que les cinq disques précédents, ce "Soft Dogs" porte bien son nom. Il propose des morceaux qui pourraient être qualifiés dans le meilleur des cas de mid-tempo sur pas moins de dix titres (sur les douze que comporte l’album).
En effet, et à l’exception de 'Hey Little Airplane' et de 'Un Frappe Sur La Tête', tous les morceaux de cette huitième galette studio des danois oscillent entre un Blues Rock mélancolique et des ballades. Et la qualité est de la partie, comme le prouvent les petites perles que sont 'What’s The Matter', 'The Truth About You', 'Golden Way', 'Blue All Over', 'Soft Dogs'… Difficile de trouver ici, le moindre morceau inutile ou sans charme.
Outre la surprise que représente cette évolution de style, ce "Soft Dogs" comporte une chanson affublée d’un titre des plus étranges pour un groupe danois : 'Un Frappe Sur La Tete'. Ne vous excitez pas pour autant, seule cette phrase est en français (enfin en quelque chose qui ressemble à du français). Si ce titre est sans conteste le plus pêchu de l’album et voit D-A-D accélérer le tempo, le style si caractéristique de l’époque "No Fuel Left For The Pilgrims" ne se retrouve pas pour autant. Le groupe cherche clairement à s’affranchir de son passé.
C’est notamment le cas avec l’intervention d’une chanteuse qui pose sa voix sur les refrains. Ce disque annonce très clairement la direction musicale qu’entend prendre le groupe. En effet, si leur album suivant, "Scare Yourself" montra encore quelques traces de Heavy Rock, le dernier en date, "Monster Philosophy", se révèlera être dans la droite ligne de ce "Soft Dogs". Certains titres sont même totalement dénués de l’énergie pourtant si caractéristique à D-A-D. Ainsi 'Golden Way', 'Human Kind' ou 'Blue All Over' à un moindre niveau, sont si dépouillées, quelles ne reposent quasiment que sur la voix de Jesper Binzer. Et une fois de plus nous sommes contraint de constater : quelle voix ! Toute en émotion et en puissance, si chargée de vie et de rugosité, un véritable délice.
Si l’évolution ne vient pas des vocaux, elle est plus à chercher au niveau des instruments. Les guitares ont un son beaucoup plus clair que par le passé, voire cristallin ('It Changes Eveythings' et 'Blues All Over'). Les sons distordus et les gros riffs bien gras ont quasiment disparus au profit de sonorités bien plus travaillées et mélodieuses. La section rythmique a également évolué vers plus de sobriété (et pour ce qui était de la basse, ce n’était pas un mince affaire), et se comporte désormais de manière bien plus classique. Ainsi la basse accompagne-t-elle la mélodie, alors qu’auparavant elle avait pour habitude de se comporter comme un instrument « lead ».
Ces changements sont certainement à mettre en parallèle avec l’arrivée de Laust Sonne, le nouveau batteur, et avec sa participation, pour la première fois, à la création des compositions. À la lecture de ces constats nous pourrions nous écrier : « Mais que reste-t-il de D-A-D ? » et s’inquiéter du résultat, tant l’énergie et les tempos rapides et entraînants sont la marque de fabrique des Danois et la source de leur succès. Mais vraiment, il n’y a pas de quoi. La classe, la maturité, le charme, le talent du groupe sont tels que cet album est une réussite totale.
Bien loin de s’enfermer dans un style un peu réducteur, D-A-D a eu le courage de prendre des risques et bien lui en a pris. Ce « Soft Dogs » regorge de morceaux accrocheurs, charmeurs et bougrement efficaces. Chapeau bas, Messieurs.