Et une de plus. Le nombre de reformations de groupes, acteurs principaux ou seconds rôles, du début des nineties, va bientôt être comparable aux myriades d’asticots festoyant sur un juteux cadavre vieux de deux semaines. Désolé pour l’odeur, mais la comparaison n’est pas forcément gratuitement provocatrice. Car dans ces reformations spontanées, s'il est bien souvent question de « produit juteux », ce n’est pas de celui issu de matière organique en décomposition dont il est question…
Asphyx est de ces groupes qui à mon goût furent un peu facilement érigés au rang de « culte ». Faut-il forcément disparaître même momentanément de la circulation pour accéder à cette distinction ? Peut-être. Toutefois, les Hollandais nous ont balancé sur le billot deux belles pièces de viande délicieusement saignantes avec « The Rack » (1991) et « Last One On Earth » (1992). Adeptes de Death Metal sans fioriture teinté de doom faisandé, le succès rencontré par ces deux petites bombes n’est sans doute pas étranger à la présence de Martin Van Drunen, qui vient de quitter Pestilence. Les vocaux identifiables entre mille de ce dernier apportent un insoutenable goût de rance à tout ce qu’il touche. Mais le talent naturel du bonhomme n’a d’égal que son instabilité, puisqu’il quittera Asphyx après l’enregistrement du deuxième album pour enregistrer avec les Suédois de Comecon l’excellent « Converging Conspiracies » (1993). Dès lors c’est l’implosion d’Asphyx qui perd le soutien de ses fans des premières heures, se répand en de multiples changements de line up, split, reformation et re-split. L’histoire du groupe est aussi marquée par le décès et la suspicion de suicide de son premier guitariste/vocaliste Theo Loomans « Mort… de Façon Brutale » puisque devenu steak haché sous un train peu de temps après le flop du cinquième album « God Cries » (1996). Gaîté, fraîcheur…
Voilà qui semble quelque peu biographique pour une chronique, mais un retour après tant d’années justifie qu’on s’y attarde plus qu’à l’accoutumée. Revenons à nos moutons.
En 2007, après 15 ans d’absence, Martin Van Drunen rejoint la reformation du groupe, épaulé par Paul Baayens (Thanathos, Cremation) à la guitare. L’édition limitée (1000 exemplaires) de « Death… The Brutal Way » contient un DVD du concert de la reformation officielle au Party San Festival en Allemagne. Enregistré par Frank Klein Douwel (l’ingé son du groupe et clavier de Solarisis) au Sonic Assault et mixé par Dan Swanö (what else !), ce nouveau disque serait d’après Van Drunen la « véritable suite à The Last One On Earth ». Difficile de le contredire à l’écoute de ces 10 nouveaux titres au timbre effectivement très similaire, jouissant toutefois de plus d’assise et de consistance sonore que son prédécesseur annoncé. Le mimétisme ne se limite pas à l’emballage.
« Scorbutics » annonce la couleur et sans l’ombre d’une intro ou d’un simple riff de mise en scène, la voix écorchée de Martin s’accroche dès le premier centième de seconde à une grosse rythmique Thrashy. Structure simple. Sans concession. Pas de solo six cordiste. Il n’y en a d’ailleurs aucun sur tout l’album. Nourrissons biberonnés au brutal ou au slam death, vous ne trouverez pas maman dans les parages. Pas l’ombre d’un gravity blast, même pas un pauvre blast beat, non, pas de doute nous nageons bien en plein old school. Vous vous prendrez tout de même une cinglante volée de bois vert sur le titre éponyme qui n’est pas sans rappeler le fougueux « Serenade In Lead », et qui propose dans un second temps le deuxième passage réellement doom (le premier, fugace, arpente « The Herald »). Un doom qui devient véritablement plombant sur « Asphyx II – They Died As They Marched » ou sur l’instrumental final « The Saw The Torture The Pain ». Le groupe excelle toutefois en liant dans un même morceau son gros Thrash/Death entraînant à des passages pachydermiques (« Black Hole Storm », « Riflegun Redeemer », « Cape Horn »).
Au final, un retour assez réussi dans l’ensemble. Une belle suite à « Last One On Earth » qui a laissé plus d’un orphelin. Pas de quoi crier au génie non plus, tout cela sent tout de même parfois quelque peu le réchauffé et quand on a vécu en temps réel les débuts du groupe, on aimerait un petit quelque chose en plus qu’un simple épisode II. Pour la jeunesse qui apprécierait les vibrations encore vivaces de ces vieux briscards, Century Media a par ailleurs réédité les deux premiers albums en 2006. Ruez vous là-dessus si ce n’est déjà fait !