Extreme n’a que quelques années d’existence et un seul disque au compteur quand il s’apprête à sortir ce qui sera son album le plus populaire. Ce n’est pas la percée du grunge qui va détourner les Bostoniens de leur style glam-funk-métal et "Pornograffitti" en est la parfaite illustration.
La moitié des titres de "Pornograffitti" propose un funk métal très mélodieux avec beaucoup de chœurs dans les refrains et une originalité dans les riffs de guitare ('Get The Funk Out', 'Suzi' ou 'It’s A Monster'). La section rythmique est bien calée même si Paul Geary à la batterie pêche un peu par un jeu trop linéaire qui dépareille face à l‘exubérance de Nuno Bettencourt, guitariste portugais bercé au son d’Al Dimeola et de Eddy Van Halen (son maître) à la technique époustouflante et doté d'un sens du groove hors du commun dont la principale qualité est de composer des mélodies et surtout des soli d’une extrême créativité. Chaque séquence instrumentale est un chef d’œuvre d’harmonie porté par une capacité à surprendre, notamment par l’utilisation de la dissonance.
Adepte des introductions originales, Extreme débute son album par 'Decadence Dance', un titre assez intriguant avec son bruitage de pluie orageuse derrière quelques notes de piano qui ne permet pas de deviner ce que sera la suite des évènements. « Li’l Jack Horny », dans un style proche de 'Decadance Dance', fait la démonstration des qualités du groupe dans sa propension à inclure toutes sortes d’instruments. Pour le coup, ce sont des cuivres qui viennent accompagner les couplets et transcender les refrains. Parmi les nombreuses qualités d’Extreme, nous avons le duo de paroliers Cherone-Bettencourt qui concocte depuis le premier album des textes engagés et fortement politisés. Rien que dans le titre, "Pornograffitti" (qui sera le titre d’une des chansons dans lesquelles Extreme dénonce l’incursion trop profonde de la pornographie dans la société occidentale moderne) le ton est donné.
Dans le morceau 'When I’m President', Extreme s’exprime sous forme rappée en dévoilant ses éventuels projets si Cherone ou Bettencourt étaient portés à la tête des Etats-Unis. 'Money(In God We Trust)' est dans la même mouvance avec une critique sur l’argent roi. Inutile de s'attarder sur la ballade 'More Than Words', véritable tube acoustique caractéristique des groupes de glam de l’époque, mais plutôt sur l’étrange 'When I First Kissed You'. Sorte d’hommage à la musique de cabaret des années 40, Nuno Bettencourt nous fait voyager via son piano et la voix assagie de Cherone finit de faire opérer la magie. Les orchestrations de Nuno commencent déjà à faire leurs apparitions dans ce titre, et trouveront leur apogée dans l’album qui suivra.
Parmi les titres marquants, outre la power ballade pleine de violons 'Song For Love' et le hit acoustique 'Hole Hearted' se trouve un 'He-Man Woman Hater' au riff dévastateur. L’intro jouée par le pote de Nuno, Dweezil Zappa, avec tapping et delay, laisse place à une magnifique composition de pur métal dans laquelle est gravé un solo d’anthologie.
La production signée Nuno Bettencourt n’a pas trop mal vieilli comparée au style vestimentaire des musiciens sur les clips et les photos de l’époque. "Pornograffitti" reste ainsi un disque tout à fait écoutable, presque 20 ans après sa sortie et, s’il ne fait pas déjà partie des classiques de votre discothèque, il est hautement recommandé de l'ajouter à vos favoris.