Mais pourquoi donc sont-ils tous aussi méchants avec le néo-prog ? Après tout, ce style plaçant la mélodie très en avant et jouant sur d’abondants claviers pour porter le propos, est peut-être le plus accessible dans les musiques progressives, et, dans son souci de ne choquer aucune oreille, devrait emporter une adhésion universelle ....
C’est qu’avec son emphase et son côté très moelleux, le style atteint assez vite ses limites et peut se révéler rapidement indigeste. Bien des groupes l’ont compris et ils ont le plus souvent dopé leur propos en recourant à des rythmiques plus agressives ou en diversifiant le son des claviers pour introduire des touches symphoniques en misant sur les contrastes, un terme pratiquement absent du vocabulaire musical des groupes typiques “néo” qui misent avant tout sur la continuité et l’harmonie permanente.
Prenez ainsi le groupe néerlandais Sideways, qui nous présente son second opus Fate. Tous les ingrédients du néo sont réunis sur cet opus : les claviers en tout premier plan, naturellement puisque toutes les phrases musicales reposent sur des nappes d’accords continus (synthé ou orgue) ; la guitare assure une ryhtmique le plus souvent douce, parfois un peu plus râpeuse (l’entame de Fate) et produit quelques soli où le slide est très souvent présent. Le style est extrêmement classique et l'on retrouve logiquement des allusions à Marillion (Of Hope and Glory), à Pendragon (Spingflower) ou des réminiscences d’autres groupes géographiquement proches (Ricocher, No Name, Like Wendy), avec quelques touches de folk country (A Waste of Strain) voire hawaïen (Phoenix).
Rien de neuf donc... Et c’est bien le problème ! Passe encore que certains titres soient particulièrement datés - Phoenix m’a fait penser à un disque obscur de Ringo Starr sorti en 1970, avec son côté folk désuet - la nostalgie peut tout à fait avoir sa place dans un album. Glissons sur le fait que le groupe use et abuse de toutes les grosses ficelles du genre pour meubler le propos avec des strates de claviers (à ce stade - Springflower- , on ne peut plus parler de nappes aériennes !) et une emphase grandiloquente du final de l’album. Après tout, ces gros effets ont leurs adeptes, et j’avoue ne pas y être insensible quant le coup est bien joué.
Par contre, nous pardonnerons beaucoup moins le manque d’imagination des compositions... Dans un genre out presque tout a été dit, où beaucoup de choses ont été osées, rester confiné dans la platitude instrumentale fait immanquablement tomber dans la parodie, et les détracteurs peuvent ici s’en donner à cœur joie. Mis à part Alex Visser, qui dans son chant, lorgne vers Stuart Nicholson et s’en sort pas trop mal dans un registre légèrement théâtral, les autres font dans la blafarde figuration : claviers monocordes, guitare convenue, basse quelconque (on ne dira jamais assez l’importance de cet instrument dans la musique actuelle, voir Riverside, Arena ou IQ), et batterie totalement anodine (avec en prime quelques breaks loupés dans Drought, un titre d’ailleurs peu agréable), le tableau est d’une affligeante platitude. Or le néo-progressif ne doit pas, ne peut plus s’accomoder de monotonie !
Fate apparaît donc comme une leçon sur ce que l’amateur du genre ne voudrait plus entendre : la diversité et les contrastes sont indispensables pour l’auditeur qui aime être surpris, et ce n’est pas du tout le cas ici.