L'année dernière, à peu près à la même époque, je découvrais un vieux groupe des années 70 dont je n'avais jamais entendu parler jusqu'alors. Et comme je ne doute de rien, je n'avais même pas honte... Il faut dire que mon manque de culture musicale n'était pas forcément en cause car ce groupe venait en fait de se reformer après une carrière relativement courte.
Cette découverte par le biais d'un témoignage live m'avait laissé un goût doux et sucré que j'attendais de ressentir à nouveau. Et me voici exaucé avec l'édition de ce nouvel album studio me prouvant que ces vieux lascars ont bel et bien repris le chemin des studios et de la scène.
Je me répète : je n'aime pas le prog italien. Je n'y peux rien, c'est comme ça, et je vais même en rajouter en donnant une motivation complètement subjective : la langue italienne chantée me déplait en général et je trouve qu'elle s'associe encore moins au progressif qu'à la pop. Mais voila que Delirium, par la qualité de sa musique, me fait oublier cet aspect, là même où les premiers albums de Kaipa, par exemple, n'avaient pas réussi à me faire adhérer au chant en suédois qui m'est tout aussi insupportable.
Mais revenons à Delirium.
Avec Il Nome Del Vento, la barre est placée encore plus haut et il nous est prouvé que l'inspiration ne faiblit pas toujours avec le nombre des années. Pourtant, l'introduction sur fond d'orage peut faire craindre le pire en matière de poncifs maintes fois éculés, et cette impression se confirme avec l'entrée de la voix, typiquement italienne.
Mais Delirium ne se contente que de poser l'ambiance pour enchaîner immédiatement avec un morceau qui, par l'utilisation des sons classiques, tape d'emblée sur le terrain parfaitement maîtrisé des Hongrois d'After Crying. Puis le mélodique, limite pop dans son refrain, Verso Il Naufragio, breakant à foison dans des registres progressifs, attire irrésistiblement mes doigts vers la touche replay et nous affirme l'évidence : Delirium fait de l'éclectique, passant avec bonheur sur le jazz, le classique et le progressif.
La seule constante de Delirium reste l'émotion qui suinte de chaque morceau et en particulier de l'utilisation toujours judicieuse des chœurs et des instruments classiques, flûte en avant-plan constant. L'émotion passe aussi par le malaise sous la forme d'un Ogni Storia jouant sur la corde sensible parentale (écoutez, vous comprendrez) tout en surfant sur des harmonies dérangeantes avant de se développer par un apport rythmique swinguant qui allège le tout ; la libération vient d'un développement mélodique qu'il serait aisé de juger facile.
Delirium, si je puis me répéter, a choisi dans sa musique la meilleure composante de son nom : cette capacité à délirer sans faire n'importe quoi, bien que le début de Note Di Tempesta fasse craindre l'irréparable. L'impression qu'on va perdre le contrôle est omniprésente mais la limite n'est jamais franchie et le plaisir de l'écoute reste là... Jusqu'au bout.
Après ces deux albums, une seule envie s'affirme : découvrir ce qu'on a perdu durant toutes ces années en se plongeant avec délice dans les premiers albums.