Après le succès critique de leur premier LP, A Social Grace, et après quelques dates remarquées en Europe, Buddy Lackey et sa troupe de doux dingues s'apprête en 1991 à reprendre le chemin du studio, lorsque Dan Rock frôle la mort en faisant du rappel, le laissant inapte à la pratique de la guitare comme du clavier pendant huit mois. Un coup dur pour cette jeune formation alors encore fragile humainement, mais qui sera surmonté par un collectif sûr de son potentiel - Dan Rock sera d'ailleurs l'un des magiciens à l'origine du mix de l'album. Soutenu par un nouveau label européen (Dream Circle Records), et avec la coopération de Ralph Hubert (alias Mr Mekong Delta) au poste de producteur, Psychotic Waltz entre au Phoenix Studio de Herne, en Allemagne, avec la ferme intention de transformer l'essai.
Et ce sera chose faite. Au travers des 8 pistes que comporte l'album, le groupe décolle littéralement et épure une recette déjà convaincante. L'accident de Dan Rock, et une multitude d'autres évènements issus de leurs quotidiens, donnent aux musiciens l'envie et l'inspiration de réaliser une performance ; performance qui ne sera pas tant technique que véritablement artistique.
Into The Everflow, c'est l'histoire d'une adolescence révolue, et d'une maturité jubilatoire, chacun des intervenants contribuant ici à développer une identité déjà forte, pour amener le groupe à son meilleur niveau. Ce n'est pas un hasard si cet album demeure pour les amateurs un des plus grands albums du genre, tout en étant, à l'image d'un certain Images And Words, l'un des premiers. Tous les éléments de la musique de PW sont en effet présents, décuplés, affinés, maîtrisés. Lackey, toujours parolier principal (pour ne pas dire exclusif), égrène de sa voix lancinante des textes alternant propos acérés et métaphores à la limite de l'abstraction. Ward Evans et Norm Leggio, piliers rythmiques d'une solidité rare, ébauchent des structures torturées sur lesquelles Brian McAlpin et Dan Rock développent des ambiances tantôt d'une noirceur dont ils ne sont pas coutumiers (les riffs terribles de "Freakshow", "Little People" ou encore "Out of Mind"), tantôt d'une légèreté divine, presque irréelle ("Ashes", "Butterfly"). Leurs évolutions parallèles sont l'épine dorsale de cet album, syncopées et mélodiques, cascades de notes à la fois dissonantes et harmonieuses. Le point d'orgue de cette démarche, de l'album et peut-être même du groupe se trouve dans le morceau-titre, où après un break inattendu, un riff étrange bientôt doublé évolue en un crescendo dément, sombre et tétanisant.
4 minutes d'anthologie qui justifieraient presque à elles seules la note élevée que reçoit aujourd'hui cet album, qui ne symbolise pas seulement sa qualité intrinsèque mais vise également à honorer le souvenir d'un groupe qui restera, malgré ce chef-d'œuvre absolu qu'est Into The Everflow, dans l'ombre des autres. Il faut à ce titre saluer une nouvelle fois les rééditions de 2004 chez Metal Blade : Into The Everflow y est accompagné d'un CD bonus contenant non seulement les démos de l'album, mais aussi la toute première démo du groupe, alors qu'il s'appelait encore Aslan. Une initiative qui aura peut-être permis à certains de pénétrer dans l'univers de Psychotic Waltz... Destiné, dans les années à venir, à être enfin reconnu comme l'une des pierres angulaires du genre, voilà un album absolument remarquable, que tout amateur de métal progressif se doit de posséder dans sa collection.