Que penser du blues hexagonal ? A l’exception de quelques valeurs sûres, profondément enracinées et toujours d’actualité, comme par exemple Jean Jacques Milteau ou plus récemment Christophe Marquilly, il est bien difficile d’affirmer qu’une quelconque relève puisée dans la jeunesse parviendra un jour à faire suffisamment de tapage pour continuer à hisser l’étendard du blues français.
Mais c’est sans compter sur Jesus Volt, combo parisien composé de quatre musiciens à forte personnalité qui écume avec ferveur aussi bien les scènes françaises qu’internationales. Auteur d’un premier album paru en 2003, le groupe va finalement impressionner un producteur australien grâce à ses prouesses scéniques. En effet, Tony Cohen s’est retrouvé derrière les manettes pour implémenter un son caractéristique à la hauteur du talent des membres de Jesus Volt. « In Stereo », ce deuxième opus sorti en 2006, révèle un groupe très expérimenté qui n’hésite à redonner au blues un élan juvénile et moderne.
Le quatuor a de la classe, celle que l’on discerne volontiers sous la coupe d’un costard taillé XXL pour carrure internationale. Tout d’abord sous l’aspect vocal, où Lord Tracy (tiens, ce nom fera sans doute dresser l’oreille des adeptes d’une certaine culture réservée au plus de dix huit ans…) s’impose comme un chanteur aux cordes vocales puissantes dont le registre s’apparente à celui de Phil McCormak de Molly Hatchet. Et tout comme lui, Lord Tracy s’avère être un harmoniciste émérite. Et que dire, si ce n’est qu’en formule élogieuse à plus d’un titre, à l’égard de Mr Tao qui manie sa six cordes comme un maître. Ce gratteux étonnant apporte une palette de sons qui va faire référence dans le monde du blues électrique. Son jeu fluide, pétri de feeling et assez fin sur les soli se révèle quand même novateur. D’autant que l’alliance acoustique/électrique est parfaitement maîtrisée pour complaire les dix morceaux dans un univers très personnel. Quelques mots pour ne pas laisser le team rythmique sur le bord de la route. Un tandem aussi efficace que talentueux, sans qui le son et l’originalité de Jesus Volt ne serait pas aussi éclatants.
Donc, place maintenant au contenu pour ainsi dire alléchant de « In Stereo ». Le blues pur et dur sert évidemment de principale fondation à la musique développée par Jesus Volt. Mais ce qui différencie immédiatement ce groupe des autres formations, aussi talentueuses soient-elles, c’est l’apport d’instruments inhabituels dans le genre, comme par exemple une trompette survoltée ou bien encore des samples rap/hip-hop qui finalement complètent de manière très convaincante des compositions déjà dotées d’une grande richesse. Cet élan de blues électrique nourri de modernité sort inexorablement des sentiers battus, mais conserve cependant l’âme originelle du blues. Un tour de force rondement mené par ces grands musiciens, car s’il s’avère facile sur le papier de faire cohabiter intelligemment du rap et du jazz avec un bon vieux blues, il en est tout autre d’un point de vue pratique. Jesus Volt fait preuve d’une grande homogénéité sur l’intégralité de son œuvre. Au point qu’il en est même difficile d’extraire un titre plutôt qu’un autre. Chacun regorge de groove, d’excentricité, de hardiesse, bref tous les ingrédients qui font qu’une galette de presque soixante minutes sort immédiatement du lot.
« In Stereo » s’inscrit donc dans l’étroite lignée des incontournables, voire même des classiques qui défient et repoussent les limites d’un style beaucoup trop souvent considéré comme dépassé. Jesus Volt s’octroie donc le titre de groupe charnière, celui qui va permettre au blues de basculer dans le 21ème siècle avec maestria. Captivant, surprenant d’un bout à l’autre, « In Stereo » fait entrer Jesus Volt avec fracas dans la cour des grands. Pour parfaire à l’aspect religieux impliqué par ce nom, il ne manque plus qu’à ajouter, sans l’usurper d’ailleurs, le terme « culte » dans cette chronique, qui je l’espère, fera ouvrir vos porte-monnaie en faveur de Jesus Volt. Et n’oubliez pas, le Seigneur vous le rendra…