Décidément, les groupes français ne chôment pas ces temps-ci car à peine le temps de se remettre de la baffe infligée par le premier album de Bukowski, voilà que déboule Mudweiser. Ce combo composé d’ex membres de Eyeless se distingue également par la présence de Reuno derrière le micro. En effet, le chanteur de Lofofora s’octroie une parenthèse de style avec Mudweiser.
Bien que ce groupe n’aie pas l’air d’apprécier les étiquettes, ce premier méfait discographique s’oriente pourtant bruyamment vers un stoner / rock très équilibré qui navigue avec une remarquable aisance entre puissance et consistance. La fougue déployée par Reuno, endorsant par-là même un registre particulièrement éraillé, n’a d’égale que le pesant des riffs déployés par le guitariste. Que manque-t-il donc pour parfaire cette singulière odeur de poudre ? C’est simple, il n’y a qu’à demander des lignes de basses omniprésentes et ronronnantes à souhait et bien entendu épaulées par des rythmes de batterie aussi robustes qu’entraînants.
Aussitôt demandé, aussitôt exécuté. Mudweiser tape dans la catégorie des poids lourds du stoner énergique qui fait craquer le plancher. Sans complexe, les quatre musiciens alignent un savoir-faire et une mise en place assez surprenante pour un premier album. Mais les années passées sur les routes depuis la formation du groupe ne font que confirmer cette grande maturité et l’approche quasiment « live » de l’enregistrement en studio. D’ailleurs, le son répandu sur « Holy Shit » enfonce les compositions dans un univers pesant et graisseux. Bref, idéal pour s’en ramasser autant entre les oreilles qu’avec une pelle remplie de bitume bien chaud…
Sorte d’hybride viril (est-ce bien raisonnable de le faire remarquer) entre les Anglais de Viking Skull et les Américains de Down, les Français eux aussi ne font pas de quartier et avoinent sérieusement dans tous les sens. Dès le premier passage dans le lecteur, il est évident que cet album laissera quelques traces autour des neurones. Tout d’abord un sérieux coup de chapeau à Reuno qui manie très habilement la langue de Shakespeare, même si les textes ne forcent pas sur des concepts philosophiques extirpés de cerveaux bien pensant (« Topless Icon » par exemple). Mais après tout, le stoner ne fait vraiment pas dans la dentelle et « Holy Shit » se démarque quand même par son contenu dense en riffs « béton armé » et autres soli d’inspiration bluesy / southern. Un tableau presque idyllique, trop beau pour être vrai et heureusement bien présent dans le paysage du stoner français qui n’en finit plus de surprendre.
« Holy Shit », le bien nommé finalement, envoie de front un bon gros coup de savate dans la fourmilière. Cet album sonne vrai, sans fioriture, tout comme l’effet procuré par une caresse à rebrousse poil. Mudweiser fait donc partie des groupes à surveiller de très près, aussi bien en sortie CD qu’en live, véritable terrain de prédilection de cette formation volontaire et talentueuse. Pour conclure, Mudweiser vient de pondre une galette à consommer sans modération, qui plus est même au volant de sa voiture. A ce sujet, les baffles de mes haut-parleurs se souviendront suffisament longtemps de ce sulfureux « Holy Shit ». Juste une dernière chose, un grand merci à ces musiciens pour l’hommage rendu à Lux Interior, le feu chanteur des Cramps.