Curieux projet que celui-ci, une fois encore le fruit d'un multi-instrumentiste plus que doué, Carl Schultz. Ici, la référence est une certaine forme de rock et de pop dite "psychédélique" de la fin des années 60 et un peu de progressif embryonnaire des années 70.
Malgré ces références, le son de Elf Project n'est pas vieillot, il l'est même moins que celui de certains groupes de rock progressif volontairement passéistes. Les claviers peuvent être doucement symphoniques et un peu "space" ou alors imiter le fameux minimoog. Les guitares sont plutôt brillantes et claires. Carl semble bien se débrouiller avec les claviers et la basse. L'album est partagé entre des chansons et des instrumentaux. "Lessons" qui ouvre l'album donne le ton, on se croirait presque revenu en 1967, avec une production claire et percutante bien actuelle et des synthés plus modernes, des guitares cristallines et une section rythmique légèrement en retrait.
Les instrumentaux sont souvent courts mais variés et plus proches du genre progressif comme "Jackhammer" et "Witchcraft", pétaradants mais trop brefs, qui rappellent quelque peu Steve Howe et Yes. Petite exception : cette surprenante reprise à la guitare classique d'un traditionnel anglais, "O Carolan". Quelques morceaux comme "Serene" possèdent un son un peu plus rock, sans être vraiment hard rock, avec une basse à la Chris Squire (et sa fameuse Rickenbecker), des synthés rappelant le "Wish you were here" de Qui-Vous-Savez… Citons aussi dans ce genre–là "The roads of change", assez rapide et dynamique qui possède un je-ne-sais-quoi de Rush (le son de guitare probablement). Et puis il y une reprise de "Norwegian wood" des Beatles avec des guitares acoustiques et un sitar… On s'y croirait !
La voix de Schultz est traitée, un peu déformée comme sur les enregistrements des années 60 de certains singles de Pink Floyd par exemple. On peut sans doute aussi penser au projet Strange Hobby d'Arjen Anthony Lucassen, avec un côté plus léger, Mais la voix de Schultz sonne un peu comme celle du géant Hollandais. C'est ce qui donne cette note un peu "psychédélique"!
On peut reprocher au disque sa brièveté, surtout vu sa relative diversité. En effet, 5 titres sur 10 ne font même pas quatre minutes voire moins de trois. "Whisper memory of old" qui affiche 10 minutes est un instrumental pastoral mené par un synthé au son tourbillonnant façon minimoog, sans percussion mais avec guitares électriques cristallines et sitar. Mais le morceau est en fait nettement plus court que ce qu'on pourrait croire, étant donné que la seconde moitié est en fait remplie par des chants d'oiseaux et des sons de ressac marin, avec ici et là, quelques résurgences de parties mélodiques jouées par des guitares harmonisées.
Mais ne soyons pas mesquins et ne faisons pas passer la quantité avant la qualité. On espère juste que Carl Schultz voudra bien à l'avenir produire quelques pièces un peu plus développées. Il en a, sans aucun doute, le potentiel. En attendant, "Mirage" mérite le détour grâce à sa belle brochette de chansons et d'instrumentaux sans temps mort ni faiblesse particulière.