À la sortie de "Chameleon", en 1993, nombre de fans espéraient qu’Helloween retrouve son identité musicale en grande partie perdue avec "Pink Bubble Go Ape".
Mais loin de répondre à ces attentes, le groupe ne va en faire qu’à sa tête et continuer sur sa lancée en proposant le disque le plus original et varié de sa carrière. En effet, le groupe va s’ouvrir à la nouveauté avec des de cuivres sur pas mal de titres, la forte présence de guitares acoustiques et un ton général plus rock que métal.
L’influence de Michael Kiske, déjà perceptible auparavant, est ici établie tant la patte du chanteur est forte sur le disque, y compris sur les titres qu’il n’a pas composé.
Il serait cas facile de jeter ce disque à la poubelle, comme nombre de fans et de médias l’ont fait depuis sa sortie très controversée, tant la surprise est assez énorme à l’écoute tant le groupe a changé radicalement. Mais "Chameleon", au-delà de ses défauts, présente pas mal d’aspects attachants et quelques bons titres. Son tort aura finalement été de sortir sous le nom de Helloween, tant il est souvent loin de l’esprit du groupe.
Il faut en effet prendre la peine de fouiller et de découvrir ce très long et hétérogène ensemble de 12 titres pour plus de 70 minutes de musique qui réclame une certaine ouverture d’esprit. Le disque ne compte en effet réellement que deux titres qui puissent être qualifiés de heavy. Il y a d’abord 'First Time', qui ouvre le disque et qui est de bonne facture, le titre étant à la fois rapide et rock. Kiske assure par ailleurs de fort belle manière. Ensuite avec 'Giants', on tient une excellente composition assez épique, la meilleure de l’album, digne des "Keeper", avec un excellent solo, une mélodie splendide et un chant qui part très haut, le tout soutenu par des parties de claviers majestueuses.
Hormis ces deux titres, nous partons donc dans des directions très variées, alternant le bon et le moins bon, avec quelques titres très surprenants. Il y a par exemple des cuivres qui débarquent, d’abord sur l’assez bon 'When The Sinner'. Le titre est très écoutable avec un refrain assez joyeux, mais trop chargé musicalement, de plus l’impression d’entendre une fanfare à certains moments gâche un peu le plaisir. Puis il y a 'Crazy Cat' et là, le choc est assez grand, tant les cuivres y sont cette fois prépondérants et donnent un résultat assez médiocre, aux limites de la mauvaise variété des années 70.
Il y a encore dans une veine très improbable le morceau 'In The Night' avec sa guitare acoustique, ses parties de piano, et son ambiance un peu country. Le résultat est faible même si Kiske donne l’impression de beaucoup s’amuser. S'ensuit une flopée de titres intéressants, souvent très rock, parfois un peu hard, et en général très longs et lents, et qui malheureusement sont en trop grand nombre sur le disque, l’alourdissant grandement.
C’est en particulier le cas du dernier titre, 'Longing', complètement acoustique et qui sera souvent zappé même si il est correctement écrit et interprété. Nous garderons donc 'Music', écrite par Roland Grapow, qui dégage une belle atmosphère musicale assez sombre et est très bien chanté, même si les cuivres ici présents étaient assez dispensables. 'Step Out Of Hell' est un autre bon titre bien rock, une fois l'intro assez kitsch passée, et même heavy sur les couplets.
Les très longs titres, 'I Believe' et 'Revolution Now', voient Helloween expérimenter encore, en se plaçant dans un style rock années 70 un peu bluesy, dans la lignée de Deep Purple ou de Led Zeppelin. Le résultat est assez bon même si parfois ça tire en longueur. Donnons quand même une belle mention à 'I Believe' pour son aspect lent et épique.
Il y a enfin du très mauvais, deux titres qui ont franchement plombé le disque. D’abord l’épouvantable 'Windmill' qui à lui seul a réussi à donner sa mauvaise réputation à l’album. C’est une ballade très mièvre, que même un Bon Jovi aurait refusé, avec des paroles ignobles et un refrain ridicule indigne de Helloween. Et il y a 'I Don’t Wanna Cry No More', autre ballade horriblement molle, que le chant de Kiske ne parvient pas à sauver.
"Chameleon" est donc un disque difficile d’accès, trop long, et handicapé par quelques titres très mauvais. Mais il ne mérite pas le mépris qu’il inspire, il contient quelques pépites musicales et est d’une grande richesse mélodique. Il aurait sans doute gagné à avoir une réelle direction artistique et un groupe plus concerné, car il est perceptible que seul Kiske s’est impliqué dans sa réalisation.