Nous le savions déjà, les Black Crowes sont d'indécrottables fans rétros des années 70 et de son blues gras et jouissif. Depuis qu'ils se sont rendus compte que sur le calendrier, les années 70 s'arrêtent dès le premier Janvier 1980, les Black Crowes s'obstinent à lutter contre ce coup du sort avec musique et look ouvertement rétro. En 2000, peut-être un peu inspirés par leurs collègues requins (Great White), ils décident de ressusciter Led Zeppelin. Rien de moins.
Pour ce faire, ils parviennent à organiser deux soirs de suite avec ... Jimmy Page. Le guitariste, pas avare de recyclage sur les titres de son dirigeable, apporte donc une crédibilité toute particulière à l'entreprise. Ce sont donc trois guitaristes qui s’attaqueront ce soir là à une sélection appétissante de morceaux de Led Zeppelin, ainsi que de vieux blues (notamment le "Woke Up This Morning" de BB King et "Shake Your Money Maker", vieux standard qui inspira au groupe le titre de leur premier opus). Pour des raisons contractuelles, aucun de ces morceaux des Black Crowes joués ces soirs là ne pourront être intégrés sur le CD.
C'est ainsi une avalanche de hits qui s'abat. L'esprit résolument blues du tout permet à un Page très en forme de dominer les débats avec aisance. Le prodige lance solo sur solo, sans faute de goût, et avec la même envie que s'il jouait dans son propre groupe. Lorsqu'il envoie de la rythmique, sa guitare tranche dans le vif avec une puissance jamais démentie. Il distribue avec mansuétude les temps de paroles aux deux guitaristes des Crowes qui se sentent un peu petit pour le coup. Dès qu'ils sortent un petit peu de leur rôle de 'backing band', ils sont immédiatement phagocytés par le légendaire sorcier.
Encore derrière, ça joue plutôt pas mal. Le batteur, Steve Gorman, s'en sort particulièrement bien, avec un jeu subtil et bien frappé, qui ne cherche pas la compétition avec Bonham. Car les noms des ex-Zeppelin sont dans toutes les têtes. Et si Gorman assume son rôle avec honneur, Sven Pipien rencontre plus de difficulté. Malgré de très jolies lignes de basses, dont la finesse respecte tout à fait l'esprit original, le bassiste manque parfois de puissance et de groove, et ne parvient donc pas à faire oublier le nom de John Paul Jones. Pour le reste, les claviers et piano sont tout à fait dans l'esprit, ajoutant une dimension très 60's qui colle à merveille aux morceaux les plus vieux ('Sloppy Drunk').
Une petite réserve, toutefois, concernant le chant de Chris Robinson. Dans son genre, le vocaliste des Crowes s'en sort pas mal, avec un timbre râpeux qui a son charme. Malheureusement, il manque de puissance sur certains titres de Led Zep. C'est particulièrement flagrant sur 'Your Time Is Gonna Come' et 'You Shook Me', et cela gâche un peu le plaisir au détour d'un ou deux autre titres. Dommage, mais n'est pas Plant qui veut.
La somme de tout cela donne quelque chose de plutôt positif. Globalement bien interprété, ce live cumule le plaisir de revivre des titres de Led Zeppelin dans une ambiance proche de celle de l'époque et celui d'entendre jouer Jimmy Page sur des vieux standard (il est éblouissant sur 'Woke Up...' et 'Sloppy Drunk', entre autres). Deux choses non négligeables.