Bien que cette fin de décennie voit se dessiner un paysage musical inédit avec le bourgeonnement du grunge, c’est bien le hard-rock américain à tendance glam qui domine parmi les sorties majeures de rock en 1989 (pour n’en citer que trois, Alice Cooper-Trash, Aerosmith-Pump et Extreme-Extreme). Avec Electric les Anglais de The Cult ont traversé l’Atlantique avec bruit et ils ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Sachant modifier leur écriture à chaque album, quelle va être l’orientation du quatrième album, Sonic Temple?
Sonic Temple…nom qui résonne dans beaucoup de mémoires comme l’incontournable de The Cult, celui en tout cas qui s’est le mieux vendu (malgré une pochette frisant le ridicule).
Deux célébrités vont tout d’abord s’affairer à produire et mixer l’album pour lui donner une densité qu’aucun album de The Cult n’a jamais encore eu. Le gros son en quelques sortes. Ces deux personnes sont Bob Rock et Mike Fraser. Inutile de rentrer dans les détails du travail de ces deux professionnels, un petit détour sur le net et vous aurez les contributions de chacun.
Le groupe, fort du talent de ces deux magiciens va composer du hard-rock moins blues que Electric et émancipé des amours gothiques de jeunesse. Pour faire concis, c’est du hard-rock très ambitieux avec une production impeccable. Pour la première fois de son histoire les claviers sont légions et les arrangements flamboyants.
Les intentions du groupe sont claires, déferler sur la planète et inonder le monde des ondes cultiennes. Il y mettra toute son énergie, notamment à travers la tournée qui suivra le disque, et en payera le prix un peu plus tard.
Sonic Temple s’ouvre de la meilleure des manières avec le retour des sonorités tribales avec percussions mystiques et sus tains de Duffy. L’excellente production fait instantanément mouche, le contraste avec le son brut de Electric est frappant. « Sun King » et « Fire Woman » sont deux véritables hits parfaitement calibrés pour vous hanter toute la journée. Dans un style un peu différent, « American Horse » vient tempérer les ardeurs de nos musiciens avec un mid-tempo plus aérien dans lequel les chœurs et les arrangements impressionnent. Toujours concernant le magnifique travail des arrangements, « Soul Asylum » et surtout « Edie (Ciao Baby) » font office de pièces maîtresses. Revenons sur la ballade « Edie (Ciao Baby) » dédiée à Edie Sedgwick la muse d’Andy Warhol dont l’ascension fut aussi vertigineuse que sa déchéance. Le côté tragique des paroles est parfaitement amplifié par les violons, et les interventions de Duffy ajoutent à la dramaturgie de ce petit bijou. Cette chanson sera reprise en concert dans une version acoustique épurée mais gardant toute son émotion par l’intermédiaire de la voix extraordinaire d’Astbury.
Nous disions que cet album est véritablement celui qui s’est le mieux vendu aux Etats-Unis. Cela tient en partie au fait que The Cult se soit très inspiré de la ville de New-York dans son processus de composition. Cette ville de tous les excès semble hanter Astbury et Duffy, avec tout d’abord cette chanson sur l’égérie de Warhol, personnage mythique des nuits new-yorkaises et ensuite « New York City ».
Pour rester dans le rang , The Cult va quand même lorgner du côté de Led Zeppelin avec le très rythmé « Medicine Train » ou le bluesy « Automatic Blue » et propose autant d’hymnes que de titres avec des refrains lumineux (« Sweet Soul Sister »).
Album extrêmement populaire auprès des novices comme des fans de The Cult, c’est un classique du rock que chacun se doit s’avoir écouter une fois dans sa vie. C’est le dernier album enregistré avec le bassiste fondateur du groupe et il marque aussi la fin d’une époque d’entente parfaite entre les deux amis. Le groupe entre de plain-pied dans les années 90 avec la déferlante du grunge et une remise en question inévitable qui va générer des tensions. La suite de l’histoire va être pour le moins mouvementée et cela dès Ceremony le digne successeur de Sonic Temple. The Cult est à la moitié de sa carrière et aucune faute n’est à déplorer dans la discographie. L’inspiration du duo ne fait que se préciser et ne se démentira pas à l’avenir. Pour notre plus grand plaisir.