En 1990, après le succès de Sonic Temple, les concerts en première partie de groupes cultes (Aerosmith, Metallica…), les interviews dans les magazines et les sollicitations en tous genres sont devenues le lot du duo Astbury - Duffy. Ils ont voulu l’Amérique et celle-ci leur ouvre les bras. A l’excès peut être. En 1991, Oliver Stone propose à Ian Astbury le rôle principal dans son film The Doors pour incarner Jim Morrison. Celui-ci refuse, l’adaptation ne lui seyait pas. C’est étonnant de retrouver une des plus grosses influences d’Astbury en la personne de Jim Morrison et ce n’est pas la dernière fois que ce personnage croisera la route du chanteur, nous le verrons un peu plus tard.
C’est cette même année qu’est enregistré et édité le cinquième album de The Cult, Ceremony. Les relations entre Astbury et Duffy sont plus que tendues et ils ne vont que rarement se croiser pendant l’enregistrement de cet album, choisissant de travailler chacun de leur côté. Les ventes vont légèrement décliner par rapport aux prévisions établies après la sortie de Sonic Temple même si l’album se positionne bien dans le classement américain. Signe révélateur d’un retour aux origines pour le groupe, la pochette de l’album qui représente un jeune garçon indien. Cette même pochette qui vaudra au groupe de se voir attaquer en justice par la famille dudit garçon pour faire valoir son droit à l’image. Coup dur pour les Anglais surtout que cette procédure va retarder la sortie de l’album dans certains pays.
C’est dans ce climat mêlé de succès (parfois dur à gérer car il met le groupe sur le devant de la scène) de tensions et d’allégresse que Ceremony fait son chemin parmi les fans du groupe. Jamie Stewart le bassiste des débuts laisse sa place à Charley Drayton et la batterie change une nouvelle fois d’occupant avec Mickey Currey. Autre nouveauté, la co-production de Richie Zito (qui jouera les claviers dans nombre de composition de cet album) avec Astbury et Duffy: une première. Pour être complet citons la participation de nombreux autres musiciens aux chœurs, aux percussions (le très réputé Alex Acuña) ou aux cordes.
Concernant la musique, les premières minutes nous rappellent au bon souvenir des premiers albums avec le retour des ambiances amérindiennes. Pour fixer les idées, Ceremony creuse le sillon de Sonic Temple avec une production impeccable et des orchestrations très fines avec l’apport du mysticisme des débuts. Pour son cinquième album The Cult synthétise au mieux sa musique pour un résultat intéressant. Après trois titres forts proches de Sonic Temple, c’est les près de huit minutes de l’épique "White" qui déboulent, véritable chef d’œuvre de composition avec ses paroles si profondes, reprises d’un livre de Lawrence Lipton dont le thème est la colonisation. Le piano, rarement entendu chez The Cult, introduit "If" sous forme de ballade mais c’est une chanson mid-tempo qui déferle. "Heart Of Soul" reprend dans ses textes le titre d’un livre de George Orwell, "Down And Out In Paris And London". Le violoncelle de "Indian" allié à la mélodie acoustique rend ce morceau déchirant d’émotion. "Wild Hearted Son", souvent reprise en concert, est très puissante dans son approche rappelant Sonic Temple et "Earth Mofo" ou "Full Tilt" n’auraient pas dépareillé sur Electric. Malgré les dissensions, Duffy est plus acéré que jamais et n’est pas avare en interventions ("Ceremony", "White"). Sa gratte le démange et on en prend plein les oreilles, avec bonheur. Et Astbury n’a rien perdu de sa verve ni de son verbe.
Si cet album n’est pas le plus connu de la discographie de The Cult, ce n’en est pas moins un des meilleurs. Même s'il est possible de dire la même chose de chaque album de ce groupe, Ceremony est malgré tout à reconsidérer par les fans ou les novices car il résume parfaitement la carrière des anglais. Si je devais conseiller un album à qui veut découvrir le groupe je donnerais sans doute le nom de Ceremony.
Bien qu’assujetti aux tensions, le binôme Astbury - Duffy est encore au sommet de sa créativité avec cet album, et le disque qui va suivre ne va pas contredire ce fait. Avec des textes toujours plus parlant et engagé, The Cult mûrit son propos à chaque nouvel album. Suivre la carrière de ce groupe passionnant au fil des albums est un voyage dans un temps qui ne nous est pas éloigné. Les deux compositeurs font preuves d’une grande lucidité envers leur époque. Les événements et les luttes contés peuvent parfois éclairer notre propre présent.