Sept ans! Il aura fallu sept ans pour que The Cult propose un successeur à l’excellent The Cult (Black Sheep). Après une première rupture ayant amené Ian Astbury à prendre un peu de recul vis-à-vis du groupe, notamment pour composer un album solo, c’est fort de la présence de Matt Sorum (Guns’n Roses) à la batterie que le groupe refait parler de lui à l'occasion d‘une série de concert. Outre ce changement dans l’effectif, c’est la signature chez Atlantic Records qui marque les esprits. Bob Rock est une fois de plus producteur de l’album qui tirera son nom d’un essai de Nietzsche, Beyond Good And Evil (Par-delà le bien et le mal). Avec un son définitivement ancré dans le millénaire qui vient de naître, Beyond Good And Evil est le disque le plus puissant de la discographie des Anglais. Ce n’est plus du rock aux nombreux accents blues, encore moins du gothique, mais bien du métal avec de grosses saturations et une section rythmique du tonnerre.
Encore une fois, The Cult surprend. Les premiers accords sont froids et énigmatiques, la basse est ultra-saturée et la guitare est tranchante. Le groove de Sorum imprime à la musique ce qu’il faut de lourdeur et légèreté pour faire exploser les refrains. Le chant de Astbury est moins nuancé mais plus puissant que jamais. "War" laisse entrevoir bons nombres d’insertions au niveau des effets de voix comme de guitare. Le son est moderne et la production de Bob Rock est une fois de plus très précise. Le gros riff de "Rise", avec ses harmonies arabisantes, vous feront indubitablement taper du pied. Difficile d’extraire une chanson plutôt qu’une autre dans ce disque très compact et homogène. Les envolées créatives de The Cult (Black Sheep) sont à des années-lumière de l’immédiateté de BGAE. Citons la presque indus "American Gothic" qui pourrait faire penser au meilleur de A Perfect Circle dans son approche assez originale du rythme. Dans ce titre, les riffs arabisants de Duffy sont explosifs.
The Cult n’en oublie pas les ballades comme la très gunsienne "True Believers", "Breath" ou même le mid-tempo "Nico". Les textes sont une fois de plus très profonds et empreints d’un mysticisme familier du groupe ("Ashes And Ghosts", "True Believers"). Parmi les titres de bons gros Rock citons les excellents "Rise", "Shape The Sky" ou "The Saints". Encore une fois avec les albums du Cult, difficile de faire des préférences parmi autant de morceaux bien ficelés et ayant chacun leur charme. Peut être préférerez-vous les mid-tempos, véritable spécialité des anglais avec "War" ou "Take The Power".
Disque parmi les favoris de votre serviteur qui a découvert et aimé The Cult originellement pour ses appétences rock, Beyond Good And Evil est une bonne dose de métal. La référence au philosophe du corps qu’est Nietzsche est certes étrange mais pas anodine car au-delà du côté très spirituel du groupe, l’expérience du propos des Anglais passe aussi et surtout par le corps. Une exégèse des textes du duo pourrait facilement révéler cette particularité, mais telle n’est pas l’entreprise avec ces chroniques dédiées à ce groupe exceptionnel.
Au-delà de la qualité de cet album, qui en fait un des tous meilleurs de The Cult, les problèmes ne sont pas terminés pour le groupe. En effet, la signature chez Atlantic n’a pas été particulièrement bénéfique. Astbury accusera la maison de disque de ne pas tout faire pour promouvoir l’album, et à contrario de trop s’immiscer dans la direction artistique au moment de la composition. Les choix des singles, comme l’ingérence d’Atlantic dans les textes de l’album, finiront de détériorer la relation entre le groupe et Atlantic. De plus l’album s’est relativement mal vendu, en tout cas les bonnes ventes du début s’essouffleront rapidement. Enfin, les évènements du 11 septembre vont faire annuler certains concert du groupe en Europe obligeant le groupe à rester aux Etats-Unis. Tout cela aboutit logiquement à la seconde rupture du groupe, en 2002. Astbury partit rejoindre deux anciens membres du groupe The Doors pour une série de concerts hommage, Billy Duffy monta le groupe Coloursound et Matt Sorum rejoint le groupe de Slash, Velvet Revolver.