Bienvenu dans le berceau du Blues Rock, dans la patrie du Stetson, dans le fief des saloons où la bière et le bourbon coulent à flot… bienvenu à Lille. Lille, d’où est originaire un des plus intéressants combo de Blues Rock français ; à savoir Stocks. Un groupe qui semble adorer créer la surprise, puisqu’il a la démarche assez surprenante de sortir, pour premier disque, un album live, le magnifique "Enregistré En Public". Mais cette démarche apparaît assez rapidement comme étant naturelle et de bon sens, lorsque l’on constate à quel point le trio est à l’aise sur scène et semble, sur ce disque, faire montre de toute l’expérience acquise au long des centaines de concerts donnés jusqu’alors. Néanmoins, réussir à se faire signer par une Major (WEA en l’occurrence), sans autres atouts qu’une renommée régionale et une passion énorme, cela n’aurait certainement eu aucune chance de se produire si Trust ne venait pas de faire exploser les revenus de sa maison de disque de l’époque, et si toutes les concurrentes de cette dernière ne cherchaient pas à posséder en leur sein un groupe au potentiel et au style proche de Trust. Et il est vrai qu’à l’écoute de ce premier album, force est de constater que le potentiel est vraiment présent.
Le trio, mené par Christophe Marquilly, chanteur, guitariste et compositeur, propose un Hard Rock très fortement teinté de Blues, de Boogie, voire de Rock Sudiste. Si l’on cite AC/DC, Trust, Rory Gallagher ou le ZZ Top de la période "Rio Grande Mud" à "Tejas", on a une assez bonne vision du style pratiqué sur ce disque.
A sa sortie, celui-ci reçoit un très bon accueil, notamment 2 morceaux qui sortent du lot, plus en termes de notoriété que du fait de leurs qualités intrinsèques. Il s’agit dans un premier temps, de la reprise du "Cocaïne" de J.J. Cale, dans une version étonnante où les paroles ont été adaptées en français. Mais également de "Suzy", un des titres (si ce n’est LE titre) phares du groupe qui bénéficiera d’ailleurs de rééditions dans différentes compilations par la suite. Si ces 2 titres sont, de par leur notoriété, plus exposés que les autres, cela ne doit pas pour autant laisser à penser que le reste de l’album est dispensable. En effet, les 9 morceaux qui composent ce live sont tous des petites pépites de simplicité et d’efficacité.
Dès la troisième seconde, le combo fait parler la musique avec "Le Nord" et "Hey Joe" (bien souvent présenté à tort comme une reprise du titre popularisé par Hendrix), des morceaux courts et très énergiques. Peu de blah-blah, ces titres vont à l’essentiel et mettent surtout en avant la voix rauque et puissante de Christophe Marquilly. Les vocaux du très entraînant "Caracas" rappellent de manière troublant ceux de Daniel Puzio de Vulcain. Après un "Stetson Blues" au tempo plus lent, Stocks laisse éclater ses talents de compositeurs avec "Ca M' Fait Tout Drôle". Il en sera de même avec toute la seconde face du disque, qui ne comporte que de très belles compositions, et notamment "Suzy", certainement un des sommets de l’album.
Si les paroles ne sont pas toujours très inspirées, et donnent parfois un peu trop dans des thèmes bateaux (Amours difficiles, filles, picole…), la passion qui anime l’interprétation, elle, ne souffre aucune critique. La rythmique soutient à merveille les titres, les refrains sont entraînants, et surtout, la guitare allie à merveille sobriété et efficacité. Il n’y a pas de soli à rallonge ou de démonstrations stériles. Ce disque reflète à merveille le style musical dans lequel le groupe est alors totalement immergé : l’esprit groupe de bar / groupe de scène. L’ambiance et l’émotion sont les véritables moteurs de cet opus, qui n’en comporte pas moins quelques défauts. A commencer par sa durée. Neuf titres en tout et pour tout, cela fait bien peu, surtout lorsque 7 d’entre eux ne dépassent pas les 3'50 minutes !! L’ajout d’un titre original et/ou d’une reprise supplémentaire aurait été le bienvenu. De même, l’allongement d’un des morceaux via la mise en avant des musiciens aurait certainement permis au groupe de varier un peu son propos. L’absence d’échange verbale avec les 3 500 spectateurs présents ce 12 février 1982 au Palais des Sports Saint Sauveur de Lille est également assez surprenante, à la limite du frustrant.
Mais tous ces défauts peuvent aisément s’expliquer par le fait que ce disque Live est avant tout un premier disque, et de ce fait, doit plus être appréhendé comme un album classique enregistré en public que comme le témoignage d’une tournée ou bien la présentation, sous un angle différent de titres ayant déjà fait l’objet d’un enregistrement studio. De fait, la quasi-totalité des titres présents sur ce disque, ne fera jamais l’objet d’une parution studio. Une fois ce point intégré, il ne reste que le plaisir que procure ce disque direct et frais. Las, malgré les 30 000 copies écoulées, cet album ne parviendra pas à asseoir la notoriété de Stocks. Tout au plus réussira-t'il à le faire entrer dans la catégorie des groupes cultes.