L’opéra rock, ça évoque quoi pour vous ? Pour les plus anciens d’entre nous, il reste attaché à “Tommy”, des Who, le disque qui a consacré le terme; ou à certaines productions de Queen (“A Night At The Opera”), même à certaines BO comme “Phantom Of The Paradise” de John Williams. Plus récemment, les Italiens de PFM ont également, avec le lyrisme qui les caractérise, créé un “Dracula” de bonne facture, et nous pouvons retrouver le genre dans les productions d’Arjen Lucassen - “The Final Experiment” est sous-titré “rock-opera” - et jusqu’à l’année dernière dans le “She” de Clive Nolan. Point commun de toutes ses productions: la sophistication et un brin d’emphase, caractéristiques propres à soulever les passions que le genre opéra a toujours été habile à susciter.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Remembrance des Américains de Madmen And The Dreamers tranche avec ce parti-pris. En 2005, Mark Durstewitz, claviériste et tête pensante du groupe, avait déjà conçu “The Children Of Children”, déjà intitulé opéra rock. Il récidive quatre ans plus tard avec "Remembrance", le line-up du groupe ayant été copieusement remanié, puisque seul Mario Renes (et Mark naturellement) subsistent de l’aventure “Children”.
Ne cherchez pas ici la démesure retrouvée par exemple dans “She”, avec d’amples variations orchestrales, ou la sophistication instrumentale des space-opéra d’Ayreon. A l’écoute de "Remembrance", nous retrouvons des réminiscences d'Elton John, Alice Cooper, Freud (Eric Woolfson) ou des Who : rien de bien récent ! L’orchestration, réduite à des claviers simples et une guitare assez brute, reste d’une sagesse toute académique qui avait cours dans les années 70, mais qui paraît quelque peu lisse pour l’oreille actuelle. Si Mark Durstewitz sait composer des titres sympathiques (Earning My Subsistance, Into The Fold, Collateral Damage s’écoutent très aisément), il encombre l’histoire de nombreux récitatifs extrêmement rébarbatifs sur fond musical discret (les sept minutes d’Industrial Age en sont l’exemple le plus marquant) qui font complètement - et souvent - décrocher l’auditeur, et mettent en avant les imperfections du reste de la production, qui apparaît datée et trop “cheap” (bon marché, en bon français).
En définitive, faute de continuité musicale, même les amateurs de nostalgie 70’s auront bien du mal à trouver du charme à cet opus trop verbeux et pas assez performant au plan de la réalisation. Le propos s’étire et se perd au long des cent minutes : un resserrement de l’écriture aurait été très souhaitable ici.