Toto serait-il devenu un groupe de hard-rock ? A l’entame de l’écoute de Kingdom Of Desire, le neuvième album du combo californien - réduit à un quatuor -, le son ne manque pas de surprendre les fans de la première heure. Loin des rondeurs d’un “IV”, avec un Steve Lukather propulsé au rang de chanteur solo, une rythmique plus simple - les percussions sophistiquées sont pratiquement absentes, sauf sur Never Enough -, des riffs beaucoup plus marqués que précédemment, une batterie plus sèche et mixée plus en avant, on assiste à un vrai changement de son.
Alors, mieux ou moins bien ? Ce n’est certes pas au vieux singe qu’on apprend à faire de la musique, et l’album est extrêmement bien produit, même s’il tend vers une simplification des lignes musicales. Exit chœurs et synthés moelleux (David Paich est étonnamment discret), place aux rythmiques appuyées et aux gros effets à la guitare : le jeu de Lukather s’est sérieusement durci, distors’ et wah-wah sur le morceau-titre, limite shred dans Gipsy Train, riffs arides sur Never Enough ; pas sûr que les fans de la première heure s’y retrouvent (sauf dans Only You et The Other Side ), mais il faut reconnaître une belle efficacité de tous ces morceaux, plus calibrés pour la scène que pour une écoute relax dans un fauteuil confortable. La voix de Steve Lukather, jusqu’ici cantonnée aux ballades soft, colle assez bien au registre plutôt râpeux de l’album.
Cependant, à trop vouloir simplifier le propos, certains titres tombent, surtout vers le milieu de l’album, dans une facilité dont l’auditeur n’avait pas l’habitude avec Toto : Wings Of Time possède une rythmique extrêmement linéaire, She Knows The Devil, trop long, est affligé d’un refrain indigne d’un tel groupe, le single Two Hearts est tristement formaté, et bien des solos sentent la roue libre. Heureusement, le dernier morceau, Jack The Bone, avec sa rythmique sautillante et son inventivité jazz-fusion, montre que le groupe a encore des choses à dire.
Très probablement né du désir du groupe de retourner à des sources plus rock, laissant de côté la sophistication des années précédentes, Toto a tout de même réussi avec ce “Kingdom Of Desire” à réorienter sa production vers un côté plus simple, mais parfois simpliste. Le groupe va progressivement revenir vers une musique plus complexe dans ses albums suivants. Cet album sera le dernier avec Jeff Porcaro, celui-ci disparaissant accidentellement quelques semaines avant la sortie de Kingdom.