Je me souviens encore avec ravissement d'une soirée étudiante comme nombre d'entre nous en ont vécues : de ces soirées où tout le panel possible des étudiants est représenté, de l'étudiant en biologie cellulaire à qui personne ne veut parler de peur de tomber de sommeil en 12 secondes 28 chrono, à celui en archéologie qui se prend pour Indiana Jones, en passant par l'avocat en puissance prêt à vous trouver LE texte de loi qui vous permettra de porter plainte contre cette saleté de prof qui vous a mis un 2 alors que, avouons-le, vous auriez mérité seulement 1.
C'est lors de l'une de ces soirées mémorables que j'ai rencontré un étudiant en musicologie qui m'avait séduit par son ouverture d'esprit extraordinaire l'ayant amené à me lancer un sanglant "Mike Oldfield ? Oui, je connais, c'est intéressant un quart d'heure mais bon, ça n'a rien de bien excitant et c'est somme toute assez facile à écrire et interpréter... l'électronique fait tout, il faut bien l'avouer..." et de m'expliquer ensuite que ce qui est intéressant dans la musique, c'est l'innovation, comme le fait de faire crisser des ustensiles de cuisine sur une planche à pain et voir ensuite si l'on peut en faire quelque chose en le combinant au bruit d'une tronçonneuse sciant une table en acier trempé...
Pourquoi une introduction si longue aujourd'hui et cette anecdote si lointaine qui n'intéresse que moi ? Simplement parce que lorsqu'un chroniqueur a été obligé de se coltiner à plusieurs reprises une musique insupportable et inintéressante, il a le droit de faire subir deux minutes de prose tout aussi inintéressante à ses lecteurs. L'intro ayant pour but de vous faire rentrer dans l'esprit de l'objet présenté, je viens logiquement d'y parvenir en vous donnant envie d'arrêter immédiatement votre lecture.
Exprimons donc maintenant notre avis sur ce Protoplasmic de Salvodelli - Sharp.
En se renseignant rapidement sur le net, quelle n'est pas ma stupeur de constater qu'il aura fallu deux cerveaux féconds pour nous asséner une cinquantaine de minutes de pure torture auditive.
Oui, Salvodelli - Sharp est en fait l'association de deux inconnus, en ce qui me concerne tout au moins : le vocaliste (j'ai également lu le terme "vociférateur" sur la toile) Boris Salvodelli et le guitariste Elliott Sharp.
S'il fallait conseiller tout de même un morceau significatif, mon choix se porterait sur le bien-nommé Noises In My Head qui vous donnera une bonne idée de l'esprit général de l'album, vous tirera éventuellement une larme de compréhension pour ce pauvre monsieur qui entend réellement ces bruits dans sa tête, tout en offrant l'avantage certain de durer à peine trois petites minutes.
Traduire cette musique est donc chose rapide : un guitariste qui fait des bruitages à grands renforts d'électronique et un vocaliste qui, s'il paraît certes doté d'une voix intéressante, ne s'en sert que pour servir une musique qui n'a rien d'autre que d'intellectuel.
Et mon problème est là : on peut être certes attiré par les musiques "hors normes" tout en restant critique et attentif aux limites de chacun. Et mes limites sont claires : une musique doit, soit me toucher, soit m'offrir quelque chose d'inédit mais intéressant, soit m'offrir une performance technique, voire proposer les trois choses à la fois... mais en aucun cas une musique ne doit m'ennuyer tout en me donnant l'impression que j'aurais pu réaliser la même chose avec des moyens technologiques appropriés.
Et Salvodelli - Sharp, c'est cela : l'impression qu'un après-midi dans un studio avec un très bon ingénieur du son aurait permis à n'importe quel déjanté de créer le même objet.
S'il faut reconnaître une qualité à Boris Salvodelli et Elliott Sharp, c'est celle d'avoir osé produire cela.
Et personnellement, si j'apprécie les personnes qui osent tout, ce n'est pas pour cela que je les félicite pour autant lorsque le résultat de leur tentative me déçoit.
Il y a peut-être du talent derrière tout cela, je n'en doute pas a priori, mais il faudra autre chose pour m'en convaincre, messieurs.