C’est le 6 juin 1960 que Steven Vai voit le jour à New York et l’humanité ne sait pas encore qu’elle compte dans ses rangs un génie. Dès quatorze ans le jeune homme prend des cours de guitare avec Joe Satriani, alors jeune professeur de son quartier qui commence à faire parler de lui. Il ne le sait pas encore mais Satriani sera une source fondamentale de son inspiration. Un autre mentor apparaît dans la vie du jeune Steve, une véritable figue du père. En 1979, Vai entre en contact avec Frank Zappa qui va d’abord l'embaucher pour jouer les parties les plus complexes de son projet. Frank dira même de Steve Vai qu’il est son « Little italian virtuoso ». Ce même Zappa fournira l’inspiration et le matériel au jeune Steve pour l’enregistrement de son premier album solo, Flexable, sujet de notre chronique. Steve s’émancipe de Zappa en 1982 pour composer cet album fait de bric et de broc qui sortira en 1984. La patte Zappa est plus que présente tout au long de cet album, mais les prémisses de ce qui sera le style de Vai, à savoir un rock instrumental très technique, se fait déjà entendre.
Mais c’est tout d’abord Frank Zappa qui est à la fête avec "Little Green Man", une chanson au thème récurrent chez Steve Vai (comme chez Satch): l’imaginaire des extra-terrestres et l’omniprésence de l’envol. Les instruments utilisés rappellent Zappa (xylophone, bruitages), ainsi que la séquence parlée en milieu de morceau. Les deux chansons suivantes restent dans le moule du premier morceau, avec un groove du tonnerre pour "Viv Woman" et un mid-tempo aux textes zappaiens pour "Lovers Are Crazy". Précisons que dans "Little Green Man", nous entendons en fin de morceau quelques notes d’un thème repris dans un instrumental de Passion & Warfare, et que "Viv Woman" laisse retentir un « Just Go For It » entendu dans "Jibboom" de Ultra Zone. Le « Peaches In Regalia » de Steve est personnifié avec le jovial "Salamanders In The Sun", alors que "The Boy/Girl Song" laisse parler les intérêts popisants du grand Steve.
Vient une des pièces maîtresses de cet album avec "The Attitude Song", instrumental très souvent repris en concert car enregistrée à deux guitares. Sauf qu’en concert Steve aime à greffer jusqu’à trois guitares et une basse sur ce morceau. Avec ce morceau on commence à entendre le Steve Vai de Passion & Warfare avec bruitages et effet de guitare. Certains gimmick de guitariste apparaissent aussi dans cette pièce. "Call It Sleep" inaugure les fameux « septième morceau » de ses albums. En effet, dans n’importe quel album de Vai, le morceau placé en septième position a toujours une couleur particulière, sous forme de ballade extrêmement mélodieuse et d’un caractère épique affiché. Cette ballade aérienne, aux nombreux accents Jazz-Rock/West-Coast renforcés par l’utilisation du Rhodes, n’est pas aussi riche dans son orchestration qu’un "For The Love Of God" ou qu’un "Hand On Heart", mais l’idée y est. Des signes, nous en retrouvons dans "Junkie" qui possède la même architecture que "Rescue Me Or Bury Me" de Sex & Religion, c’est-à-dire un début chanté et une partie instrumentale forte de ses silences avec une ambiance très progressive, voire même brouillonne. Trois titres plutôt anecdotiques viennent clore l’album avec "Next Stop Earth" qui donne l’occasion à Steve de faire parler sa guitare, une de ses spécialités, ou "There’s Something Dead In Here", bruitiste et atmosphérique.
Flexable est l’œuvre inaugurale de Steve Vai dans laquelle nous retrouvons le passage d’un père à un autre. Sans faire de la psychanalyse de chroniqueur, nous pouvons dire que Frank Zappa laisse place à Joe Satriani dans l’imaginaire de composition de Vai. Bien que la production soit un peu juste sur cet album, elle n’empêche aucunement le côté rafraîchissant de s’exprimer, et son écoute se révèle très aisée. Jetez-vous dans cette œuvre d’un génie en devenir et surtout d’un merveilleux guitariste aux inspirations terrestres et célestes.