La jeune carrière de Steve Vai ne fait que commencer quand Flexable sort en 1984. Les sollicitations vont s’enchaîner pour le virtuose et de 1985 à 1990 il intègre successivement Alcatrazz, David Lee Roth Band et Whitesnake. Ces expériences vont lui donner l’opportunité et la manne financière pour donner vie à un projet qu’il mûrit depuis des années. Il s’agit du chef d’œuvre sortit en 1990, Passion & Warfare, album qui consacre Steve Vai au rang de génie absolu et qui représente la quintessence de la musique instrumentale moderne.
Quelle meilleure entrée en scène que "Liberty", courte introduction de deux minutes suivi de "Erotic Nightmare", un instrumental groovy qui laisse une large part aux bruitages. En son centre, une multitude de sonorités se font entendre, dont une flûte qui n’en est pas une, puisque c’est une bizarrerie obtenue par Steve en soufflant l’air près de ses micros de guitare. "Animal" prend logiquement la suite de "Erotic Nightmare" avec un riff introductif brut et un Vai qui arrive parfaitement à rendre l’effet de l’animal qui rugit, qui grogne ou qui hurle.
"Answers", très rapide et riche de ses percussions, vient calmer les ardeurs. Cette construction est typique des travaux de Vai et nous retrouverons des titres similaires, disséminés un peu partout dans les albums du génie. "The Riddle" déploie sur plus de six minutes une instrumentale très progressive et aux multiples phases. L’introduction installe la musique en tant que ballade et celle-ci se transforme au gré des minutes en un déferlement de notes. Digne héritier de Frank Zappa, il tire de sa guitare et de ses multi-effets, des sons d’une grande originalité. Il fait de la pédale wah-wah son meilleur compagnon, perpétuant ainsi la tradition inaugurée par un de ses maîtres, Jimi Hendrix.
"Ballarina 12/24" est un titre bien étrange pour ce court interlude de 1'45, qui fait encore démonstration de la maîtrise de la technologie de Vai avec un son très clair. Mais ce morceau est à tout jamais associé au chef d’œuvre qu’il précède. Le fameux septième morceau est ici la composition la plus connue de Steve Vai, toujours reprise en concert et ayant occupé de nombreuses heures aux guitaristes en recherche de sensations fortes. "For The Love Of God" est une offrande de tout ce dont est capable Vai en tant que guitariste. Toutes les techniques du parfait musicien moderne sont utilisées dans cette œuvre qui démarre comme une ballade à la mélodie éthérée, et prend lentement corps pour une explosion de triple et quadruple croches.
La moitié de l’album vient de défiler et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Autre classique de cet album, "The Audience Is Listening" succède à "For The Love of God". C’est le retour du thème de l’enfance qui est personnifié dans ce titre. "I Would Love To" est très enlevé et se place dans la grande tradition des instrumentaux de Satriani, alors que la ballade "Blue Powder" fait la preuve de l’incroyable toucher de Steve Vai avec une séquence ésotérique prenant place au milieu du titre et de nombreux effets de manche et de vibrato. La fin approche doucement avec l’enjoué "Greasy Kid’s Stuff" et sa partie finale très technique. "Alien Water Kiss" est très expérimental et assez anecdotique ainsi que le morceau de clôture "Love Secrets". Vient la magnifique ballade entièrement acoustique "Sisters" dédiée aux deux sœurs de Steve. Fait assez rare pour être signalé: l’utilisation de la seule guitare acoustique dans une composition de Vai.
Au fil des multiples écoutes de Passion & Warfare l’œuvre semble avoir dépassé son créateur et exister désormais par elle-même comme tous les chefs d’œuvre de l’art en général. Steve Vai y a mis toute sa personne en étant extrêmement attachant et généreux (à voir absolument en concert), et son album l’est tout autant. Passion & Warfare ne sera jamais dépassé par aucun autre album de Steve Vai pour deux raisons. Tout d’abord en regard de la qualité et la brillance des compositions. Et d’autre part, du simple fait que l'artiste va s’évertuer à ne jamais faire deux fois le même album. Voici donc un album rare qui fait partie des quelques œuvres qui comptent vraiment dans une vie et qui vous marquent à tout jamais.