Grieving Age ou le malin plaisir de dérouter son auditoire. Avant même d’avoir entamé l’écoute de « In Aloof Lantern, Thy Bequeathed A Wailer Quietus », on se dit qu’un premier album composé de seulement deux titres de respectivement vingt et dix-sept minutes ne peut être que le fruit d’un groupe progressif. Raté ! Le groupe se définit comme une formation d’obédience doom s’influençant de My Dying Bride ou des premiers Anathema.
Du doom ? On ne peut pas se tromper, le groupe est donc occidental et plus précisément nordique, pour ne pas dire scandinave. Encore raté ! Le groupe est originaire d’Arabie Saoudite, ce qui n’est pas banal en terme de métal, tant et si bien que je me demandais si Music Waves avait référencé ce pays dans son menu déroulant des nationalités.
Avant de se lancer dans une écoute attentive, on terminera la description en soulignant tout le soin accordé à un visuel de toute beauté signé Aaron Stainthorpe (chanteur de My Dying Bride : tiens, tiens !) se rapprochant des canons des œuvres prog metal en général et de celle d’« Invisible » de Nightingale en particulier. A ce propos, coïncidence ou non, toujours est-il que le mixage de ce premier album de Grieving Age est signé Dan Swanö (Edge of Sanity, Bloodbath… et… Nightingale justement).
A la lecture de cette longue introduction, je vous mentirais par omission en ne vous disant pas que d’écoute d’énième album d’obscur groupe métal, « In Aloof Lantern, Thy Bequeathed A Wailer Quietus » est devenu une curiosité particulièrement alléchante en théorie… Et en pratique ?
Disons le tout net, Grieving Age fait du doom metal dépressif sur le pavé « A Quadrennial Dame Pyres, Hearses Shall No Yawn, Thence… », titre à éviter de toute urgence pour toute personne déprimée à tendance suicidaire. Ahmed Shawli pose ses complaintes gutturales et abyssales très proches de celles de Paul Khur (November’s Doom) sur une rythmique lourde à la manière d’un long et lent défilé funèbre sous une brume glaciale. Ce thème est décliné à l’envie sans aucune variation significative, rendant les près de vingt minutes particulièrement fastidieuses pour tout non-adepte ; thème sur lequel Emad Mujalled - tel le bourreau censé motiver les esclaves dans les galères - martèle un rythme atone sans discontinuer, au grand désarroi de l’amateur de variations rythmiques à l’ouïe alléchée par la présence de Dan Swanö…
« Therefore, A Myriad Of Gargoyles Bellow Their Aborted Versicles, Quoth Thee…» débute sous les mêmes auspices, sur un rythme à peine plus rapide que son prédécesseur ne laissant rien augurer d’exceptionnel pour la suite… Fort heureusement, un break salvateur annonce une accélération justifiant ainsi l’étiquette death prog que nous étions prêt à lui coller avant même d’avoir écouté cet opus. Ainsi Grieving Age enrichit un tantinet son doom de variations thématiques rendant l’ensemble moins monocorde… Mais n’allez pas croire pour autant que le combo se lâche sur des envolées lyriques ou autres et des soli échevelés à la manière de certains groupes death prog technique...
Au final, « In Aloof Lantern, Thy Bequeathed A Wailer Quietus » est sans conteste un album de doom metal que les amateurs sauront apprécier à sa juste valeur, au contraire des non-initiés qui vivront un vrai calvaire au contact d’un album regroupant en son sein tous les clichés propres au style. Reproches qui s’estompent sur le deuxième titre, plus varié, même si on est loin d’atteindre les sommets d’un Swallow the Sun ou November’s Doom… Ce qui nous fera dire en substance que le talentueux combo aurait tout à gagner à s’émanciper de cette voie doom pour s’engager sur celle d’un death prog plus aventureux et ambitieux…