Est-il encore nécessaire de présenter cet album ? Véritable institution du métal, "Vulgar Display Of Power" peut se targuer d'être l'un des disques les plus influents du genre. Après le succès de "Cowboys From Hell", Pantera se remet au travail, bien décidé à repousser ses limites à une époque où le genre commence pourtant à s'essouffler. Toujours encadré par Terry Date, il entre en studio avec confiance et détermination. Le résultat fait aujourd'hui partie de l'Histoire.
Dès les premiers titres, Pantera présente sa nouvelle feuille de route : ralentir le tempo, insuffler du groove et durcir le ton. Anselmo a rangé son falsetto, Darrell se livre tout entier à son instrument et le duo Rex/Vinnie élabore la trame solide sur laquelle va reposer tout l'album. Pantera est un nouveau groupe, et "Cemetary Gates" est bien loin. Dur, incisif, brutal, syncopé, c'est une nouvelle école du métal qui ouvre ses portes. Anselmo est au bord du growl, débitant des textes hargneux comme un rap.
L'album démarre ainsi sur un 'Mouth For War' énervé et puissant qui s'achève sur une accélération terrible suivi d'un 'A New Level' qui porte bien son titre. 'Walk', qui sera le deuxième single extrait de l'album, et dont sera aussi tiré un EP l'année suivante, est un mythe à lui tout seul. Le riff est incomparable, le phrasé d'Anselmo est parfait, le solo bref mais rock'n'roll, et le final halluciné est carrément hypnotique. L'album aurait pu s'arrêter là et apporter la gloire à ses auteurs, mais ce n'était qu'une mise en bouche.
Car 'Fucking Hostile' est là pour nous rappeler que le Thrash n'était pas qu'une mode. Encore une fois, le riff est monstrueux et Anselmo harangue l'auditeur, pauvre fétu de paille ballotté au gré de la double pédale. Ce morceau à lui seul vaudra le label "Parental Advisory" dont le groupe est décoré pour la première fois. 'This Love' démarre de façon étonnamment calme, et l'on se dit qu'après ces quatre morceaux d'une violence rare, le groupe va enfin ralentir le rythme. Anselmo chante enfin et Darrell joue tout en feeling, on y croit... jusqu'au refrain. Le fantasme de la power ballade s'estompe peu à peu, et finit par disparaître (presque) complètement après le deuxième refrain, qui lance un riff tonitruant, puis le morceau sombre dans la noirceur la plus complète. De nouveau, Pantera hypnotise par sa lourdeur, du jamais-entendu pour l'époque. Le solo est, à l'image de son auteur, devenu culte.
Et ce n'est pas terminé. 'Rise', qui débute sur deux riffs titanesques, présente un travail rythmique tout simplement bluffant, proposant des breaks et autres accélérations avec une aisance déconcertante. 'No Good (Attack The Radicals)', qui vaudra à Anselmo son tatouage cervical, est une nouvelle démonstration. Original, surprenant, groovy, doté d'un refrain imparable, Anselmo y alterne couplets rappés et passages énervés dont il a le secret. Les deux morceaux suivants, 'Live In A Hole' et 'Regular People' suivent le même chemin avec un groove démoniaque, des effets et sonorités venus d'ailleurs et une lourdeur qui force le respect. "Vulgar Display Of Power" s'achève sur une power ballade dans la veine de 'Cemetary Gates' mais contrairement à celui-ci, le morceau s'interrompt brutalement sur un hurlement de guitare pour repartir de plus belle.
Loin des courants et de l'influence des médias, Pantera nous livre ici un chef d'œuvre, un album abouti, entier et excessif. Pour l'anecdote, sachez d'ailleurs que la fameuse image de la pochette est réelle : un brave volontaire fut payé 300$ par des responsables du label pour encaisser des coups de poings... A dix dollars l'impact, il en fallut donc 30 pour que la photo soit parfaite ! Et c'est à peu près autant que ce que l'auditeur éberlué a l'impression d'avoir encaissé au sortir d'un tel album. Eprouvant, mais culte.